« Journée du 8 mars, une ligne de crête entre Women washing et sexisme », par Amélie Gillot

Comme chaque année et alors que la lutte pour l’égalité des sexes est plus que jamais d’actualité, la journée du 8 mars a fait le plein d’opérations marketing et de communication. Les réseaux sociaux n’ont pas fait exception à la règle, preuve s’il en est du tweet de Burger King au Royaume-Uni :

Pourtant accompagné d’une seconde publication pointant du doigt le faible nombre de chef femmes, le coup de com’ voulu par la marque de restauration rapide s’est rapidement transformé en bad buzz, suscitant une envolée de réactions outrées. 

De notre côté de la Manche, avec pas moins de 46 400 mentions en 24h, le hashtag #JournéedesDroitsdesFemmes a, cette année encore, figuré parmi les tendances Twitter. Intéressant de relever qu’en 2020, ce même hashtag réunissait 73 900 mentions : l’égalité des sexes ne ferait-elle plus recette ? Le sujet est surtout très complexe à aborder tant pour les marques que pour les dirigeants, politiques ou influenceurs. Tomber dans le bad buzz ou dans le « Women Washing », en écho au fameux « Green washing », peut vite arriver en cas de manque de discernement…

Mentions du hashtag #JournéedesDroitsdesFemmes le 8 mars 2021
Source : Talkwalker

A l’heure où le gouvernement français envisage la mise en place de quotas dans les Comités exécutifs des grandes entreprises, des femmes dirigeantes à travers le monde prennent d’ores et déjà la parole sur les plateformes sociales, à l’instar d’Ilham Kadri, CEO du groupe de chimie Solvay, qui compte près de 85 000 abonnés sur LinkedIn et plus de 40 000 sur Twitter. Bien loin devant son homologue chez Renault, Luca de Meo, et ses 53 700 abonnés LinkedIn ! Tout comme Marguerite Bérard (BNP Paribas), Grazia Vittadini (Airbus) ou encore Maud Bailly (Accor), ces femmes dirigeantes font régulièrement résonner leurs engagements en faveur de thématiques structurantes comme l’égalité des sexes ou la mixité sociale. Elles ont su comprendre la nécessité d’influencer au lieu de subir l’écosystème d’opinions et d’imaginaires dans lequel elles évoluent, en s’appuyant sur le caractère conversationnel des plateformes sociales. Rappelons que 54% des utilisateurs Twitter ont déjà été influencés positivement par une prise de parole d’un dirigeant.

Prendre la parole le 8 mars est donc un passage obligé pour elles, mais bien loin d’être évident. Éviter le consensuel et parler vrai : autant de défis à relever pour une communication engagée et engageante. Tandis que certaines font le choix d’exprimer leur vision militante de l’avenir comme Ilham Kadri, d’autres reviennent sur leur parcours semé d’embûches à l’image du tweet de Bérangère Abba, Secrétaire d’Etat à la Biodiversité : « 1997, 1er poste culturel : « Lourde responsabilité sur de si frêles épaules ». 2017, législatives, enceinte de 5 mois : « pour être un bon député, il ne faut pas avoir d’enfants en bas âge ». 2020, entrée au @gouvernementFR : « promo canapé ». N’écoutez que vous ! #JournéeDesDroitsDesFemmes ». Enfin, certaines grandes dirigeantes comme Marie-Christine Lombard, Présidente du Directoire de Geodis, rappellent que la mixité et la diversité des talents est une des clés de la performance d’une entreprise. Chacune a compris que pour être efficace, toute stratégie d’influence doit reposer sur des prises de parole cohérentes avec sa vision, ses engagements, ses convictions et relayées par les meilleurs vecteurs, qu’ils soient online ou offline.

Mais en 2021, les hommes aussi se doivent de se confronter à cet exercice périlleux. Notons que plus de 48% des mentions du hashtag #JournéedesDroitsdesFemmes étaient issues de comptes d’hommes, contre 43,5% en 2020. Parti pris choisi par de plus en plus de dirigeants masculins, la réussite de cet exercice dépend cependant de l’incarnation au quotidien de cette prise de parole, à l’image de Thierry Mallet, PDG de Transdev. Un engagement d’autant plus essentiel dans une industrie comme le transport, où les femmes constituent la majorité des usagers mais restent encore peu représentées parmi les effectifs des entreprises du secteur. Faire la preuve d’un engagement collectif pour mener ce combat en faveur d’une plus grande mixité est donc aujourd’hui devenu stratégique : c’est tout l’objet de la tribune publiée dans Le Journal du Dimanche, que Thierry Mallet a signé aux côtés de 40 autres dirigeant·e·s français, hommes et femmes confondus, comme Antoine Frérot (Veolia), Hélène Bernicot (Crédit Mutuel Arkéa), Bernard Arnault (LVMH) ou encore Catherine MacGregor (Engie). Ensemble, ils ont souhaité s’ “engager dans ce grand mouvement pour l’égalité et donner de la traction à l’ensemble du système. Nous voulons notamment que les jeunes filles fassent des choix d’études supérieures sans peur, confiantes du rôle qu’elles peuvent jouer dans tous les métiers, y compris ceux de l’industrie”.

En d’autres termes, l’heure n’est plus à l’opposition, mais à l’inclusion. Avec un objectif commun : encourager les femmes et les filles à s’exprimer dans l’espace public, à afficher leurs ambitions, à affirmer leur légitimité. Rendez-vous donc le 8 mars 2022 pour un prochain point d’étape.

Par Amélie Gillot, Consultante Senior chez Antidox.