« DALL⸱E : l’IA au service de la création visuelle, de la communication, et de l’humour » par Félix Midoux

Après la rédaction du script d’un court-métrage réalisé par Oscar Sharp ou la réalisation d’un portrait vendu pour 432 000 dollars, les outils de création artistique dotés d’intelligence artificielle (IA) semblent enfin prêts à être acceptés. 

Depuis plusieurs semaines apparaissent sur les fils d’actualité de nos réseaux sociaux des photos représentant, avec une fidélité relative, des personnages ou objets dans des situations absurdes. Les internautes à l’origine de ces publications s’appuient sur DALL⸱E Mini, récemment renommée Craiyon, une IA conçue par Boris Dayma à l’occasion d’un hackathon coorganisé par Hugging Face et Google. 

Le programme, entraîné à partir d’une base de 30 millions d’images, est capable de générer une production visuelle à partir d’un texte rédigé en langage naturel. Ce projet s’inspire librement de DALL⸱E, logiciel créé par Open AI en janvier 2021 et dont la qualité de rendu est nettement supérieure à la version mini. La dernière version – DALL⸱E 2 – en mesure de modifier des photos déjà existantes de manière presque indiscernable, a été lancée en bêta au mois d’avril dernier et reste pour le moment inaccessible au grand public afin de prévenir les usages abusifs.

Une application devenue virale

Cette courbe souligne que les images générées par DALL⸱E Mini ont commencé à apparaître dans les fils d’actualité au début du mois d’avril, soit en même temps que le lancement de DALL⸱E 2. D’abord timides, les tweets francophones mentionnant DALL⸱E, DALL⸱E Mini ou Craiyon se sont rapidement multipliés à partir du début du mois de juin. En un peu moins d’un mois, le sujet a regroupé près de 10 000 mentions et 25 600 réactions, principalement en provenance de jeunes âgés de 18 à 34 ans (76 % des publications). Le succès rapide de ces créations tient à une formule simple : la facilité d’utilisation de l’outil et la rapidité d’engagement des individus qui peuvent obtenir le visuel souhaité à partir d’une simple requête sur un moteur de recherche.

L’accueil majoritairement positif dénote avec les inquiétudes classiques qui ont pu accompagner le lancement d’outils photoréalistes tels que ThisPersonDoesnotExist.com en 2019.

La création visuelle rendue accessible

Plusieurs utilisateurs de Twitter, à l’instar de @Remeli_, @arikouts ou encore @pandovstrochnis, ont participé à populariser l’outil parmi la communauté francophone. L’essentiel de ces publications souligne l’étendue des possibilités offertes par DALL⸱E et DALL⸱E Mini, à l’instar du thread repartagé par Léo Grasset (@DirtyBiology) représentant Kermit la grenouille dans le contexte de films et de dessins animés.

Le Cosmopolitan a participé à diffuser mondialement l’outil et à le légitimer dans un usage créatif lors de la parution de la couverture de son magazine à la fin du mois de juin. Réalisée par Karen X. Cheng, l’image a été obtenue suite à l’utilisation d’une simple requête : “a strong female president astronaut warrior walking on the planet Mars, digital art synthwave”. Une couverture qui n’est pas passée inaperçue en France et qui laisse entrevoir une première véritable utilisation de cette technologie.

Un outil rapidement détourné à des fins humoristiques

La démocratisation rapide de l’outil a également engendré des détournements humoristiques intégrant des références culturelles nationales telles que “Francis Lalanne nageant dans l’océan”, des “schtroumpfs en gilets jaune” ou “Didier Raoult préparant des shakshukas”.

L’usage de l’humour et la floraison de mèmes viraux ont libéré l’utilisation créative de l’outil. D’abord partagées sur le forum Reddit r/weirddalle, lequel recense les résultats les plus absurdes obtenus lors de recherches, ces images ont commencé à être massivement reprises sur Twitter, notamment grâce aux repartages du compte @weirddalle.

Plusieurs internautes ont profité de l’outil pour tourner en dérision les personnalités politiques, imaginant Gérard Larcher en train de faire un barbecue sur Mars, Mario Rajoy comme personnage de Clash Royal, ou encore en assimilant Margaret Thatcher à Satan.

Un nouvel outil au service de la communication ?

L’application pourrait à terme s’installer comme un nouvel outil au service des communicants. Des internautes usent déjà du décalage entre la description entrée dans le logiciel et l’image représentée pour faire passer leur message. Loup Espargilière, fondateur et rédacteur en chef du média Vert, a par exemple récemment utilisé DALL⸱E Mini afin de critiquer l’inaction climatique du Président de la République.

Pour le moment inaccessible pour une utilisation commerciale, l’ouverture future des outils de génération d’images par une IA pourrait avoir un impact notable chez les professionnels de la communication et du marketing, et de manière générale dans les secteurs dépendant de l’image. DALL⸱E 2 permettra en effet de disrupter le marché des designers, graphistes, et photographes, en proposant la création rapide et à peu de frais d’illustrations ou de premières maquettes.

Par Félix Midoux, Consultant junior chez Antidox