« Gas, un réseau social qui fait du bien à ses utilisateur·rice·s ? » par Felix Midoux

YASN*. Gas, uniquement disponible sur iPhone, a récemment rejoint la longue liste des réseaux sociaux. Dépourvue d’un fil d’actualité, de pages sur lesquelles poster ou d’un espace de messagerie, son design rend l’application hermétique aux fakes news, aux campagnes de désinformation et – pour l’instant – aux critiques faites sur les effets néfastes des réseaux sociaux sur la santé mentale de leurs utilisateur·rice·s. La valeur ajoutée de l’application se situe ailleurs : assurer le bien-être de ses utilisateur·rice·s . A cheval entre deux époques, Gas témoigne aussi de la fin d’une époque pour les réseaux sociaux tels que nous les connaissons.

Créée en août 2022 par l’un des cofondateurs de Tbh, rachetée par Facebook avant de rapidement être mise à l’arrêt, l’application en reprend les codes visuels de son ancêtre : quelques boutons disposés sur un fond coloré permettent à l’utilisateur·rice de répondre à la question qui leur est posée.

Le principe est simple : amener les lycéen·ne·s à s’exprimer positivement les uns envers les autres. Après avoir renseigné leur lycée, les étudiant·e·s se voient proposés de sélectionner anonymement l’un·e de leurs camarades dans des questions à choix multiple (rédigées par l’application) : « pourrait regarder une éclipse sans lunettes spéciales », « partant pour avoir un rencard avec cette personne », « son sourire me fait fondre le cœur », etc. 

Les personnes sélectionnées sont ensuite notifiées par une flamme, sans que le nom du votant ne soit dévoilé. Encore indisponible en Europe, l’application s’ouvre progressivement dans les différents États aux États-Unis.

UNE APPLICATION QUI PREND SOIN DE SES UTILISATEUR·RICE·S

Après la mise en valeur de l’authenticité avec BeReal, la Gen Z  (1997-2010) trouverait en Gas de la bienveillance… et une dose d’ego-boost ? Gas réussit en effet à combler un espace encore inoccupé : les réseaux sociaux qui font se sentir bien, sans les revers induits par sa mise en image de soi.

Longtemps accusés de recourir à divers mécanismes destinés à conserver l’attention des utilisateur·rice·s, en dépit d’études signalant les impacts négatifs sur la santé mentale des individus, Find Your Crush (développeur de l’application) a conçu l’application en ayant en tête de nourrir l’ego de ses utilisateur·rice·s. Gas communique largement sur les commentaires élogieux qu’elle reçoit allant dans ce sens. Notons néanmoins qu’elle ne prend pas totalement ses distances avec les mécanismes classiques d’addiction, les likes étant ici substitués par des flammes.

LA FIN D’UNE ÉPOQUE ?

Gas apparaît dans un contexte de désintérêt pour les réseaux sociaux autrefois en position quasi-hégémonique, et à un moment où les acteurs du secteur multiplient les plans de licenciements.

A cheval entre deux modèles, celle des social networks traditionnels reposant sur la connexion entre les individus, et des social media où le lien entre les individus a laissé place à la consommation de contenus en masse, l’application témoigne de la fin d’une époque.

UN FUTUR FRAGILE

Le destin de Gas reste néanmoins largement incertain. Le modèle économique de l’application repose pour l’instant sur un abonnement payant permettant aux utilisateur·rice·s de récupérer des indices sur le nom des individus ayant répondu à l’un des sondages. 

Le succès soudain de l’application appelle à la prudence, malgré la stratégie adoptée de ne s’ouvrir que progressivement à de nouveaux marchés. L’expérience passée de Tbh montre que l’attention pourrait rapidement redescendre.

*Yet another social network

Par Felix Midoux, Consultant junior chez Antidox