Depuis huit ans, la newsletter féministe Les Glorieuses propose un hashtag pour marquer l’importance de l’enjeu des inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Cette année, le hashtag choisi était #6Novembre11h25, date à laquelle les femmes “commencent à travailler gratuitement” et qui évolue chaque année en fonction de l’écart salarial global entre les deux sexes. Cet événement est l’occasion d’une campagne de sensibilisation en faveur de l’égalité salariale, qui provoque de nombreux débats sur les réseaux sociaux et qui fait sa place dans le monde politique.
Une journée symbolique critiquée pour sa méthodologie incertaine
La détermination de cette date se fait par un calcul global de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. En France, selon Les Glorieuses, il est de 15,4%, et la moyenne européenne est de 12,7% (source Eurostat – 2021). Il s’agit d’un écart total, tous métiers confondus et qui n’est pas obtenu à volume de travail égal.
Cette méthodologie est critiquée et combattue car, comme le note France Info, à poste comparable et temps de travail égal, l’écart salarial se réduit à 4%. D’où une multiplication des “notes de contexte” sur X / Twitter, outil de modération collective des contenus vanté par Elon Musk. Permettant de “corriger” une information, d’ajouter des éléments d’explication, elles sont devenues le véritable enjeu politique car elles re-cadrent le discours de certains journalistes, médias, ou politiciens à l’instar de la feministe Sandrine Rousseau, connue pour ses déclarations chocs.
La critique et la nuance de ce chiffre passe aussi par de nombreux posts et articles remettant en cause cette date symbolique, en nuançant l’écart salarial affiché par Les Glorieuses, voire, pour certains acteurs particulièrement marqués idéologiquement, en niant les inégalités salariales entre les femmes et les hommes.
Un marronnier médiatique qui donne l’occasion de parler plus largement des inégalités de genre
Comme on peut l’observer sur ce graphique, la question des inégalités entre les femmes et les hommes passe sur le devant de la scène au moment du lancement du hashtag #6Novembre11h25 avec près de 3 300 mentions et 17 100 engagements sur X, TikTok et YouTube. Cette date, qui évolue d’année en année, est un marronnier qui permet à la newsletter féministe ainsi qu’à l’opinion publique de discuter de ce sujet et de créer le débat sur la question de l’égalité entre les sexes.
Allant du soutien à un congé parental payé de manière équivalente pour les deux parents à la revalorisation des salaires des emplois où les femmes sont les plus nombreuses, en passant par l’application du “principe d’éga-conditionnalité” pour l’accès aux marchés publics ou l’obtention de subventions publiques liées au respect de l’égalité salariale au sein de sa structure, de nombreuses revendications bénéficient alors d’un coup de projecteur permis par l’établissement de cette date symbolique. Ce concept contribue ainsi à la réflexion du grand public sur le choix de société dans laquelle il souhaite évoluer, et de prendre conscience des inégalités qui peuvent découler des décisions prises – ou non – pour les corriger.
Une date avant tout utile à des opérations de communication politique ?
Nous pouvons enfin noter le chemin parcouru par ce combat dans la sphère médiatique et sur les réseaux sociaux au regard de la reprise massive du hashtag #6Novembre11h25 et du sujet de l’égalité salariale par la classe politique, de l’opposition à la majorité présidentielle. Une normalisation telle que le hashtag a été repris publiquement par la Première Ministre Elisabeth Borne, dans une publication qui promet de veiller à traiter les différentes thématiques relatives à l’égalité femmes-hommes.
In fine, la réalité statistique des inégalités salariales entre les femmes et les hommes importe peu ici. L’objectif de communication ainsi atteint est surtout de créer un électrochoc et de forcer les acteurs du monde politico-médiatique à en discuter et à envisager des solutions réglementaires concrètes.
Par Pierre Bellagamba