Parution d' »Un nouveau culte démocratique » par Philippe Guilbert

Pourquoi jeter sa robe quand on est avocat en colère, ou exécuter une chorégraphie collective dans le cortège d’un mouvement social ? Pour « prendre l’image » celle des vidéos des Smartphones et des caméras des TV et ainsi capter l’attention publique, celle de ses pairs ou des médias, de l’opinion ou du pouvoir, pour obtenir reconnaissance sociale ou politique.

À la visibilité médiatique, s’ajoute depuis 10 ans la visibilité par automédiatisation numérique. Ce nouveau culte est démocratique puisque chacun peut y participer, avec un simple smartphone. De culture néo-protestante, il produit une relation nouvelle à la réalité et à la vérité, en défiance des autorités politiques et médiatiques, comme la réforme protestante au XVIe siècle, via le livre et l’imprimerie, se construisit en défiance du pouvoir spirituel de son époque.

Il transforme notre imaginaire, nourri des événements visibles et, partant, le statut du politique, plus vulnérable que jamais. Car la transparence va de pair avec l’obligation de visibilité, au moment même où le politique s’est engoncé dans une gouvernance aveugle à ses perdants. Lesquels trouvent par la visibilité le moyen de rappeler qu’ils existent : c’est ce qu’on appelle le « populisme »…

Lutter pour sa visibilité personnelle ou une visibilité collective est désormais une règle du jeu sociale ou politique. Désir d’être vu et obligation de voir, expression au vu et au su de tous : la visibilité est une tyrannie dont les ressorts sont au fond de nous et les outils au bout de nos doigts. Tyrannie cruelle quand elle implique la chute, mais si douce quand elle signifie une élection, au sens religieux du terme, d’un individu ou d’un groupe, pour laquelle ils auront lutté.

Philippe GUIBERT, Ancien directeur du Service d’Information du Gouvernement (SIG) , enseignant à l’HEIP, consultant, rédacteur en chef de la revue Medium et Partner d’Antidox.