« Les Pessi, nouveaux Zorros de la twittosphère », par Julien Malbreil

Un nouveau phénomène agite depuis quelques semaines les réseaux sociaux, et plus particulièrement Twitter. Il consiste pour des internautes autobaptisés Pessi à mener de véritables raids numériques loufoques sous les tweets de personnalités en vue. Ils sont facilement identifiables par une photo de profil représentant le joueur de football Lionel Messi chauve et dont le @ contient « Pessi ». Le terme étant issu de la contraction de pénalty et Messi. Un nom dont l’origine loufoque illustre l’ADN du mouvement : agir avec humour et dérision mais non sans efficacité.

Qui sont-ils ?

Les Pessi forment un groupe partageant une communauté de sensibilité et dont le profil apparait assez homogène. Ils sont essentiellement masculins, jeunes, gentiment nihilistes mais très au fait des règles régissant le réseau social. Ils ne sont pas sans points communs avec leurs cousins “neurchis” de Facebook, dont les membres passent beaucoup de temps à pratiquer le troll. Leur esprit communautaire se révèle dans leur mode d’intervention, l’effet de meute participant de l’efficacité de l’action tout en amplifiant la décharge d’adrénaline que provoque leurs raids 2.0. Il apparait aussi dans leur façon de s’interpeller, les Pessi débutant souvent leurs tweets par “mes frères” ou “akhy” lorsqu’ils s’adressent les uns aux autres. A l’instar de communautés plus structurées, ils utilisent des éléments de langages caractéristiques pour communiquer et se reconnaître : “masterclass” “je suis dans mon prime”, “goatesque”, “reste digne”, “fraude” et invectivent les « chialeuses numériques » avec une certaine imagination verbale.

Ainsi ils partagent un univers aux codes particuliers, étranges, souvent liés à l’univers du foot et du sport. 

Un fonctionnement naviguant entre loufoquerie et militantisme

Les Pessi interviennent par des raids planifiés et organisés sur des pages Twitter ou des fils d’information. Pour accroître l’impact de leur mouvement, ils disposent de “média Pessi” qui informent les adeptes des actions à venir. Ils se sont ainsi illustrés avec l’ambassade de Chine, Gérald Darmanin, Marlène Schiappa ou encore Pierre Ménès. Ce dernier a reçu 25.000 messages en une soirée ! Loin de formuler des revendications élaborées, ils postent des messages absurdes, drôles ou déroutants, ou bien encore des photomontages avec le visage de Lionel Messi le crâne rasé. Ils spamment également les commentaires sous les publications de comptes importants avec des phrases “copiés-collées” et des extraits de chanson, notamment celle du youtubeur Michou. 

Les Pessi, trolls ou justiciers de Twitter ?

On l’aura compris, il ne faut pas chercher une pensée très complexe et construite chez les Pessi, ni une identité politique revendiquée. Leurs réactions suivent avec une certaine spontanéité l’actualité et témoignent d’un rejet instinctif des comportements prêtés à leurs cibles. Toutefois ils évitent en général tout dérapage verbal, ne profèrent pas de menaces et conservent un côté bon enfant censé les définir comme de gentils trollers. Ils semblent s’identifier à des justiciers numériques lorsqu’ils sont déçus par certaines personnalités. Leurs raids sont en effet centrés sur des personnalités à la fois médiatiques, clivantes ou mises en cause dans leur action. Par leurs interventions ils favorisent en retour la notoriété de certains hashtags, comme récemment #PessiLivesMatter. On retrouve leur esprit dans le hashtag #EmmanuelMacronFacts, avec des tweets humoristiques qui détournent l’intelligence supposée exceptionnelle du chef de l’État suite à un article publié dans Le Monde du 30 mars.

Le risque de cyberharcèlement

Malgré leur côté sympathique et plaisantin, leurs raids peuvent parfois relever du cyberharcèlement. Le contenu de certains tweets n’est pas sans poser problème. Pierre Ménès est par exemple régulièrement traité de gros porc, Gérald Darmanin de violeur. 

En outre, l’effet de meute véhicule par lui-même une forme de violence numérique. Pour les personnes ciblées, la stratégie à adopter est soit de supprimer le tweet concerné, avec le risque que les Pessi relancent un mouvement, soit de laisser le tweet à leur main. Marlène Schiappa a de son côté préféré fermer son compte public. Si le mouvement des Pessi reste à ce stade un épiphénomène relativement inoffensif, il témoigne du caractère éruptif des réseaux sociaux et de la difficulté de contrôler l’ensemble des messages échangés comme d’identifier leurs auteurs. Un défi tant pour les plateformes que pour les pouvoirs publics.

Par Julien Malbreil, Partner d’Antidox