« Les NFT : votre premier tweet pourrait valoir très cher », par Victor Ploué

« Just setting up my twttr » : cinq mots, publiés en mars 2006 sur Twitter. Un message anodin, qui n’a rien d’incroyable au premier abord mais qui fait sourire lorsque l’on sait qu’il est le premier publié sur le réseau social, par son créateur Jack Dorsey. Pourtant, ces cinq mots se sont vendus pour la modique somme de 2,9 millions de dollars le 23 mars dernier, à l’issue d’une mise aux enchères remportée par un entrepreneur. Une transaction rendue possible grâce aux Non-Fungible Token, ou “NFTs”, véritable (r)évolution de la blockchain qui bouscule aujourd’hui les perceptions des droits d’auteur et transforme la notion de propriété. 

De la surprise des Cryptokitties à l’instauration d’un modèle nouveau

C’est un pas de plus, et pas des moindres, dans le développement des crypto-monnaies qui vient confirmer la place grandissante prise par le digital dans notre quotidien. Pourtant dans les faits, le principe est assez simple : les NFTs sont des jetons uniques, non imitables, dont l’exclusivité est rendue possible par la traçabilité et la transparence de la blockchain. En étant « non fongibles » comme leur nom l’indique, ces “tokens” une fois achetés par leur acquéreur ne sont ni remplaçables, ni reproduisibles. Pour illustrer cette notion et comprendre l’engouement qu’ils suscitent, il faut remonter aux Cryptokitties. En 2017, la rareté de ces petits “chats” a soudainement séduit de nombreux collectionneurs qui n’ont pas hésité à payer le prix fort pour en devenir propriétaires. Le plus cher a été vendu à 600 ETH, soit près de 142 000 euros – rien que ça. 

Restés pendant un certain temps en recul sur le marché global des cryptomonnaies, suscitant un intérêt moindre comparé au Bitcoin, ces nouveaux actifs semblent aujourd’hui occuper une place centrale dans l’industrie des cryptos. Les NFTs ont généralisé la vente de contenus numériques et ont séduit de nombreux secteurs : le sport, la musique, la restauration rapide, le luxe… Ils ont même atteint le New York Stock Exchange qui devrait s’y essayer prochainement en lançant ses premiers « First Trade NFT ». 

Twitter et les forums comme vitrine d’un intérêt grandissant

Quel est l’intérêt de devenir propriétaire de « quelque chose » exclusivement digital ? A cette question, les communautés spécialistes et actives au sein de la “cryptosphère” répondent que le mécanisme est le même que lors de l’acquisition d’un tableau de valeur, quand les plus sceptiques refusent encore d’affirmer que le Bitcoin et l’Ethereum sont bien des monnaies virtuelles. Quoi qu’il en soit, il est impossible de nier l’engouement suscité par ces NFT. L’analyse des conversations digitales sur Twitter montre que les jetons non fongibles ont fait l’objet de près de 3,5M de mentions et de 22,4M d’engagements sur la dernière année. 

Si le sujet a commencé à prendre de l’importance pendant la pandémie, dans un contexte propice aux échanges numériques et aux achats en ligne, il a connu une véritable explosion en février dernier. Entre le 1er et le 28 février 2021, ce sont près de 364k occurrences de NFT et 3M d’engagements qui ont été relevés dans la sphère digitale, principalement sur Twitter et sur les forums. Des résultats considérables, qui peuvent cependant être nuancés par l’analyse des discussions liées au Bitcoin à cette même période, qui a généré près de 3M de mentions et 27,9M d’engagements uniquement sur Twitter. 

Fig 1. : Volumétrie globale relative à l’évolution des occurrences de “NFT” dans la sphère digitale (presse en ligne, réseaux sociaux, blogs et forums) depuis mars 2020.

Un intérêt grandissant pour ce nouveau marché donc, rendu possible par l’attrait exercé par le principe de rareté  et la ludification des échanges entre passionnés et collectionneurs. Ce succès touche ainsi toujours plus de profils et de domaines et peut être vu, à bien des égards, comme une véritable avancée dans l’industrie des cryptomonnaies. 

Tendance éclair, phénomène de mode ou révolution de la blockchain ?

Cette frénésie invite toutefois à repenser la question des droits d’auteur et de propriété. Dans le cas des NFTs, les avantages permis par le numérique pourraient constituer les principales failles de ces transactions. D’un côté, la non-fongibilité apparaît comme une manière de remettre la propriété au cœur de la vie économique numérique, de l’autre elle pourrait laisser la porte grande ouverte à la reproduction et à la contrefaçon de fichiers initialement authentiques et uniques. Elle pose ainsi la question de la réglementation applicable à ces transactions digitales. Comment savoir si un GIF appartient à quelqu’un lorsqu’il est partagé sur Twitter ? Que risque un utilisateur qui duplique un actif NFT ? Ces questions pourraient trouver leurs réponses dans la mise en place d’un cadre réglementaire clair et largement diffusé qui permettra de passer d’un engouement soudain à l’instauration d’un nouveau modèle économique amené à durer. 

Qu’ils représentent un phénomène de mode, une tendance éclair ou une véritable révolution de la chaîne de blocs, il n’en demeure pas moins que les NFTs passionnent et témoignent de la valeur (monétaire) grandissante des contenus numériques. Ils rendent possible les échanges de tous types de contenus numériques, d’un simple tweet à une œuvre d’art, et pourraient constituer l’avenir dans de nombreux domaines. 

Par Victor Ploué, Consultant junior chez Antidox