« La question de la propreté à Paris enflamme Twitter », par Chloé Teyssou

S’il n’est pas nouveau que la propreté et l’état de la voirie à Paris soient l’objet de polémiques, la forme et l’ampleur prises par les récentes dénonciations sur le sujet présentent un caractère inédit. Fin mars, le compte @PanamePropre lance le hashtag #SaccageParis. Le but ? témoigner du saccage supposé de la capitale par la mairie en partageant des photos et des vidéos de l’état de la propreté, de la voirie ou de nouveaux aménagements urbains. 

Le compte @PanamePropre rencontre un succès grandissant

Petit à petit, plusieurs dizaines de milliers de tweets ponctués du hashtag sont publiés et le compte atteint 6.000 abonnés ce lundi ! Le fonctionnement ? Tweeter ou retweeter des photos montrant un Paris insalubre. En bref, tout ce qui peut illustrer l’état de délabrement et de saleté de la ville. Il est présenté comme l’œuvre d’un mouvement citoyen qui souhaite interpeller les politiques et l’opinion sur l’état de Paris et dénoncer l’inaction des pouvoirs publics pour y remédier. Pour cette communauté, le contraste entre l’image de la ville à l’extérieur et les conditions de ceux qui y vivent au quotidien est inacceptable. 

Un mouvement qui se veut citoyen

En retour, certains affirment que le compte serait contrôlé par des militants LREM, ou LR. Aucune preuve tangible n’étaye ces déclarations. Il semble dans tous les cas que la cinétique du mouvement résulte essentiellement de Parisiens manifestant leur volonté de dénoncer une situation jugée inacceptable. Le hashtag #SaccageParis permet avant tout au compte @PanamePropre de récupérer des photos, facilement identifiables par tous ceux qui souhaitent participer au mouvement. Il fait office de défouloir aux Parisiens mécontents.  

Quelques chiffres démontrant l’ampleur pris par le hashtag 

La popularité du hashtag s’est amplifiée ces derniers jours, avec des tweets toujours plus nombreux. A tel point que la presse s’est fait l’écho des protestataires avec plusieurs reportages très suivis. Dans ce contexte, l’auteur du compte s’est fendu d’une mise au point pour rappeler l’origine non partisane du mouvement. 

Source : Talkwalker #SaccageParis

Une très forte activité avec 133,8k utilisations du hashtag en une semaine. 

Une inévitable politisation du débat

Si la polémique apparait très centrée sur la ville de Paris, il ne faut pas ignorer l’échéance de l’élection présidentielle de 2022, à laquelle la maire de Paris Anne Hidalgo devrait concourir. Dans ces conditions, bien qu’originellement apolitique, cette cristallisation des mécontentements sur le réseau social prend une forme éminemment politique, même contre son gré. L’opposition municipale ne se prive pas de montrer du doigt une mauvaise gestion de la ville de Paris, symbole du pays. 

C’est par exemple le cas de Pierre Liscia, porte-parole du mouvement créé par Valérie Pécresse, qui, bien installé sur les réseaux sociaux avec 34,2k abonnés sur Twitter, dispose de l’influence la plus importante sur le sujet. S’il dément être à l’origine du compte, il soutient le #saccageParis en twittant sur le sujet : 

Ainsi ce mouvement renforce le clivage Hidalgo/Pécresse à Paris et dans la région île-de-France, clivage que l’on pourrait retrouver lors de l’élection présidentielle.  Rachida Dati, opposante à la mairie de Paris, maire du 7ème arrondissement et personnalité incontournable de la droite a également posté et épinglé le tweet ci-dessous. 

Marine Le Pen y est aussi allée de son Tweet sur le sujet, preuve que cette affaire ne cesse de se politiser. 

Une difficile riposte

Une mauvaise publicité pour Anne Hidalgo, qui peut compter sur le soutien de quelques personnalités de gauche, même si la majorité du PS se fait discrète alors que la campagne n’a pas encore commencé. Et si la mairie se voit forcée de réagir, elle centre le débat sur la propreté en invoquant des moyens limités et en condamnant les incivilités. Mais elle ne parvient pas à se défaire d’autres aspects dénoncés par les photos postées sur @PanamePropre : urinoirs dysfonctionnels, blocs de bétons pour baliser les rues, empilement de palettes sur les places. Des dénonciations qui se multiplient et mettent à mal la gestion de la ville sur le plan de l’aménagement urbain. En retour, l’équipe municipale déplore une campagne partisane de dénigrement et oppose des photos d’un Paris agréable, dans lequel il fait bon flâner, reflet des efforts menés par la ville ces dernières années. Si l’impact définitif de ce mouvement reste à établir, il témoigne encore une fois du pouvoir d’influence implacable que les réseaux sociaux revêtent. 

Par Chloé Teyssou, Directrice Conseil chez Antidox