« L’impact positif et durable s’inscrit dans un continuum » – Interview de Cynthia Illouz par Laetitia Sellam-Kreps

Fondatrice de THE WOMEN’S VOICES et CHARI-T Media, Cynthia ILLOUZ est une journaliste experte en RSE et genre. DocteurE en Sciences de Gestion ( Chaire Marques & Valeurs | IAE PARIS 1 Sorbonne Business School), elle enseigne également l’égalité, la RSE, le management responsable et l’innovation dans les Médias dans différentes universités et Grandes Écoles. Cynthia Illouz siège également au Conseil d’Administration d’ONU Femmes France.

 

Imaginer un récit, construire une expérience collective et permettre une projection à impact dans le futur proche des entreprises, ce sont des axes privilégiés dans l’accompagnement RSE d’Antidox. Nous entretenons également une écoute vigilante des évolutions à l’œuvre à travers des rencontres diversifiées. Et pour cette newsletter, nous avons recueilli le regard de Cynthia Illouz, experte du mécénat et de la RSE.

 

C’est en 2019 que vous avez publié De Grands Patrons Si Généreux ? Lumière sur le mécénat, ouvrage qui analyse notamment comment le mécénat de Notre-Dame a été appréhendé mais dresse aussi un paysage complet de la philanthropie. En 2022, et notamment après la crise sanitaire, est-ce que vous aborderiez le sujet différemment ?

La question de la lisibilité du mécénat comme de la visibilité médiatique des dons ont été éprouvées avec l’incendie de Notre-Dame. A l’évidence, le déblocage de sommes colossales dans un délai jamais vu a soulevé des questions. Comment était-il possible de mobiliser autant d’argent pour une cause, où certes il s’agissait de financer un édifice incomparable, mais où il n’y avait pas une seule mort ? Pour mémoire, 1 milliard a été promis en quelques heures alors que le montant du mécénat annuel ce sont 3 milliards, toutes causes confondues ! Lors de la crise Covid, les entreprises ont retenu la leçon. Les grandes marques comme LVMH, L’Oreal ou encore Bouygue ont insisté sur l’engagement des collaborateurs et le mécénat en nature, comme l’approvisionnement en masques ou en gel hydroalcoolique sans dévoiler de montant. Aujourd’hui, il y a de réelles transformations à l’œuvre sur le sens de l’engagement mais il est difficile d’attribuer cela uniquement à la crise sanitaire.

Quels points saillants se dessinent ?

D’abord, le mécénat de compétence prend de l’ampleur et devient structurant pour les RH. Auparavant, il s’agissait surtout d’une voie pour les préretraités qui n’étaient plus en phase avec la transformation digitale de l’entreprise. Aujourd’hui, c’est une expérience valorisante, presque indispensable qui s’intègre au parcours du collaborateur et faisant partie des softs skills.

L’entrepreneuriat social est devenu un domaine prisé par les jeunes pour intégrer le marché du travail. Ils souhaitent avoir un impact positif dès leur première activité et rêvent plus d’être indépendants et de changer le monde, que de rejoindre une entreprise avec peu de valeurs. Au sein des entreprises, il existe également des projets ambitieux tel que ’”intrapreneuriat4good” initié par Engie, BNP Paribas et Danone où ces grandes entreprises accompagnent les projets positifs portés par les collaborateurs.

Autre point très intéressant, c’est la rencontre de différents types de mécénat et donc de causes. Une entreprise va par exemple soutenir une exposition d’art en invitant des populations ciblées à la découvrir, c’est le cas du courtier Aurel BGC qui finance des expositions au Grand Palais en réservant l’accès à des enfants malades ou défavorisés. Le mécénat culturel rencontre ainsi le mécénat social ou engagé en faveur de l’écologie. L’impact positif et durable s’inscrit dans un continuum. Ce nouvel équilibre me parait assez distinctif de l’approche française actuelle.

Enfin, on observe un nouveau mode d’engagement appelé « l’activisme de marques. » Les entreprises s’engagent désormais sur des sujets politiques donc plus clivants dans notre société, comme le soutien aux réfugiés ou aux communautés LGBQIA+.

Chez Antidox, nous accompagnons le projet Just Look up ! qui a l’ambition de susciter une nouvelle génération de talents féminins dans le domaine des Stem. Comment abordez-vous cette problématique en tant qu’experte des Sciences humaines et non de sciences dites « dures » ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.  12% des femmes dans l’IA. 57% dans l’enseignement supérieur scientifique pour ne retrouver que 25% des femmes dans la filière numérique…sans compter celles qui abandonnent ensuite. 4% d’investissement dans les crypto-monnaies.crypto monnaies. Et aucune femme ou presque exerçant dans le Metaverse !

Sans être scientifique, il y a la nécessité d’être extrêmement connectée à l’actualité et de comprendre ce qui se joue pour l’avenir. Et cela pour l’ensemble des femmes et plus encore des jeunes femmes. Il me parait décisif pour les professionnels de la communication, du marketing, et des médias de partager ces sujets, et d’être ce pont entre ceux qui codent par exemple, et ceux qui transforment effectivement les entreprises.

Propos recueillis par Laetitia Sellam-Kreps, Directrice conseil au sein d’Antidox

Après des études d’art & communication, à Paris I et Hunter College (NY) puis un master Nouveaux Medias au CELSA, Laetitia a été journaliste avant de mettre ses capacités éditoriales et stratégiques au service d’institutions publiques puis d’une agence éditoriale. Au sein d’Antidox, elle développe l’offre RSE et accompagne plusieurs comptes sur leur stratégie globale de contenus.