« Changement climatique et réseaux sociaux : un sujet qui prend de l’ampleur » par Pierre Bellagamba

Les photos et vidéos de méga feux, de canicules, à travers le monde ont secoué les médias et réseaux sociaux ces dernières semaines. Une tendance qui s’inscrit dans un contexte de dérèglement climatique, où ces phénomènes extrêmes se répètent de plus en plus souvent et violemment, concrétisant les conséquences d’une menace encore abstraite jusqu’ici. Nous avons voulu jeter un coup d’œil à l’évolution de la conversation en ligne sur ce sujet, et à la façon dont elle peut influer sur l’opinion publique et les politiques publiques. 

Un changement climatique qui a du mal à se faire une place dans le débat

Le changement climatique a été l’un des sujets les plus débattus depuis les années 1990. Désormais, une majorité de pays s’accordent sur l’importance du changement climatique et participent à des initiatives internationales, comme le protocole de Kyoto, ou les différentes COP, mais des mesures structurantes se font attendre. Le processus politique stagne du fait des intérêts nationaux, du coût des différentes mesures, ainsi que du décalage entre le temps long nécessaire pour ces mesures et l’immédiateté qui régit souvent le monde politique. D’autant plus que le changement climatique est habituellement traité comme un « fait divers » par de nombreux citoyens et médias.  

 

Le film « Don’t look up » de Netflix offre par exemple un regard satirique sur l’inaction des politiques et l’incompréhension d’une partie des médias face à l’urgence d’une catastrophe planétaire. Une référence à peine voilée aux réactions face au changement climatique.

L’œuvre a marqué les esprits. Au point que les militants écologistes utilisent cette référence via des collages vidéos dès qu’un média semble diminuer la gravité de la crise climatique. Ils comparent le discours du journaliste à la télévision avec l’extrait satirique pour montrer que « ce n’est plus de la fiction » .

Les difficultés d’une communication complexe sur le long-terme

Communiquer sur le changement climatique est loin d’être simple, notamment en raison de la complexité du phénomène, ainsi que du manque d’immédiateté de l’efficacité des mesures.

Les informations sur les impacts du changement climatique semblent trop lointaines et complexes pour pousser à des changements dans notre comportement. Surtout face à des questions plus directes comme l’économie, ou la sécurité. Le débat politique, médiatique et sur les réseaux sociaux concernant le changement climatique est caractérisé par une forte polarisation, et une absence de solutions simples, ce qui constitue un terrain fertile pour la propagation de la désinformation.

L’explosion des réseaux sociaux durant ces deux dernières décennies offre néanmoins un espace pour faire monter la thématique du changement climatique pour deux raisons.

Premièrement, l’émergence rapide de ces plateformes a offert un endroit facile d’accès aux militants d’ONG, chercheurs et journalistes pour se structurer, partager des connaissances.

Deuxièmement, et de manière plus substantielle, les réseaux sociaux ont bouleversé les hiérarchies de communication en place. En érodant le pouvoir des médias traditionnels (télévision, presse), tout en augmentant le nombre de personnes accessibles.

Changement climatique : un sujet qui s’impose du fait des événements extrêmes

Source : Talkwalker (résultats sur les 13 derniers mois sur le mot clé « Changement climatique », en France, en français, toutes plateformes confondues). 

Sur les 13 derniers mois, on constate 587 000 de résultats pour le mot clé « Changement climatique » et près de 6,9 millions d’engagements. Ces données montrent une tendance claire à l’augmentation du sujet en fonction des événements climatiques touchant la France. On peut clairement observer des pics liés aux risques de gel (05/04), aux canicules (17/06), aux incendies (19/07). Ces sujets prennent le devant de la discussion quand ils touchent la population, ou l’économie.

Les personnalités politiques sont largement critiquées pour leur présumée inaction climatique causant ces catastrophes. Et ils ne sont pas les seuls ! Médias et célébrités sont également épinglés par les internautes. Ils sont sommés de prendre sérieusement le sujet du dérèglement climatique, que ce soit au niveau du discours, ou des actions. À ce titre, la polémique sur l’influenceuse Kylie Jenner et son vol de 12 minutes est éclairante sur le devoir d’exemplarité attendu de l’opinion publique.

Les réseaux sociaux comme lieu d’information

Les réseaux sociaux ne sont pas qu’un lieu de dénonciation. Ils sont aussi un véritable forum pour beaucoup de personnes et de nombreux scientifiques et journalistes l’ont bien compris. Certains les utilisent pour vulgariser les événements climatiques en cours, à coup de visuels et vidéos.

Les réseaux sociaux comme un moyen de faire bouger les lignes

Ressentant un sentiment d’urgence, et face à l’impression d’une réaction trop faible du monde politique, un certain nombre d’initiatives venant de la société civile (scientifiques, réalisateurs, activistes) dans le monde sont apparues pour sensibiliser au changement climatique par le biais de campagnes (films, documentaires, happenings) dans les médias, et sur les réseaux sociaux. On peut notamment citer les réalisations de Yann Arthus-Bertrand, l’activisme de Greta Thunberg qui sont largement diffusées sur les réseaux sociaux.

Les campagnes jouent un rôle majeur dans l’élaboration des agendas médiatiques et politiques, que ce soit au niveau local, national, ou même international. Ces pressions, ainsi que la répétition et l’accélération de ces catastrophes amènent les politiques à se saisir du sujet de plus en plus concrètement. 

Ce que nous constatons avec cette étude des conversations en ligne, c’est la dynamique qui va lier les conséquences du réchauffement climatique, les citoyens, leurs échanges numériques et les actions politiques. 

Plus ces événements touchent régulièrement et personnellement des citoyens sensibilisés, plus ils en parlent, demandent un changement, plus les politiques sont poussés à donner des gages et montrer qu’ils agissent.

Par Pierre Bellagamba, Consultant senior chez Antidox