TikTok, nouveau passage obligé de la prochaine élection présidentielle

La campagne pour les prochaines élections présidentielles prend son élan même si le président de la République n’a toujours pas fait connaître son choix au jour de la rédaction de ce billet. Si les meetings, tractages et passages sur les plateaux télévisés restent des exercices incontournables pour tenter de convaincre les électeurs, l’importance des réseaux sociaux ne cesse de se renforcer. Une campagne sans un important volet numérique semble vouée à un échec certain. Parmi les grandes plateformes sociales, l’application de partage de vidéos TikTok, lancée en 2016, ne peut plus aujourd’hui être ignorée. Se distinguant par son format et surtout son public jeune, un algorithme qui favorise l’engagement, elle permet aux candidats de toucher une cible nouvelle en innovant dans le ton comme dans la forme adoptés.

Un public jeune à conquérir

TikTok se distingue en effet par l’âge moyen de ses utilisateurs. Sur la quinzaine de millions d’utilisateurs actifs mensuellement en France, 75% ont moins de 24 ans, même si l’élargissement continu de son public atténue ce tropisme. Un public donc jeune, mais aussi très actif avec plus de 10 millions de vidéos partagés et 5 milliards de vidéos regardées chaque mois. Or cette population jeune, mais en âge de voter ou qui le sera prochainement, n’est pas négligeable pour qui souhaite être élu. Les électeurs de 18 à 24 ans sont plus de 5 millions sur un total de 47,9 millions d’électeurs inscrits. Une tranche d’âge qui se distingue néanmoins par son fort taux d’abstention : lors des dernières présidentielles, seuls 29% s’étaient déplacés au bureau de vote pour le 1er tour (34% pour le second tour), et ils n’étaient que 13% à avoir fait leur devoir électoral au 1er tour des élections régionales. Si ce fort taux d’abstention affaiblit leur poids électoral, un candidat qui arriverait à toucher cette cible pourrait entraîner de nouveaux électeurs à voter sur son nom. De multiples initiatives les incitent d’ailleurs à s’exprimer dans les urnes. En outre, leur pouvoir d’influence sur le succès d’une campagne électorale va bien au-delà de la stricte arithmétique de leur poids électoral.

Humour et ton décalés de rigueur

Dans ces conditions, les principaux candidats à l’élection présidentielle de 2022, tout comme Emmanuel Macron, se sont positionnés sur le réseau social chinois, avec plus ou moins d’énergie, d’originalité et de succès. Notons que l’accès à TikTok apparait très aisé en termes de production puisqu’il s’agit de poster des vidéos au format court qui doivent refléter une certaine spontanéité. Conserver un caractère amateur, tout en véhiculant un style décalé, voire décapant, relève du code implicite de TikTok pour attirer des followers en nombre. Ceci implique néanmoins une richesse de contenu, des images percutantes ou décalées et des idées qui font mouche. Les vidéos les plus réussies peuvent ainsi entraîner des millions de « likes » et autant de followers, lesquels seront ensuite invités à visionner de manière plus conventionnelle des extraits de meetings ou d’interviews du candidat.

Les principaux candidats sur TikTok

Fort de 2,8 millions d’abonnés, le président de la République sort du lot et récolte 4,8 millions de vues en moyenne, avec des vidéos profilées pour plaire au public de TikTok. Du style vestimentaire peu présidentiel au format de type selfie en passant par les références culturelles mobilisées, tout est réfléchi (un peu trop ?) et mis en œuvre pour plaire à un public jeune et peu conformiste, avec un certain succès. Manque néanmoins dans ses vidéos une expression décalée et humoristique. Il est suivi par Jean-Luc Mélenchon, avec 736000 abonnés, qui en habitué des réseaux sociaux a su comprendre les codes et les ressorts de TikTok. Son premier post plein d’autodérision trouve sa conclusion dans un pastiche d’une chanson de Wejdene, une personnalité en vue du réseau social. Succès assuré ! Et confirmé par la suite, avec là aussi une esthétique faite pour plaire aux plus jeunes. Marine le Pen, bien qu’arrivée tardivement sur le réseau, rencontre le succès avec une première vidéo pourtant très lissée en récoltant 5,6 millions de vues et 250.000 abonnés. Un joli score qui ne s’est toutefois pas reproduit par la suite. Avec 134.000 abonnés, Eric Zemmour pointe à la quatrième position. Un succès modeste au regard d’une activité intense, puisqu’il totalise 134 vidéos depuis avril dernier, qui peut s’expliquer par leur format en moyenne bien trop convenu. Mais dès qu’il parvient à faire preuve d’originalité, le nombre de vues explose :  un strike au bowling lui permet d’en empocher 4 millions ! Sur TikTok, un bon lancé au bowling vaut mieux que de longs discours. Les autres candidats déclarés à l’élection présidentielle sont soit marginaux en nombre d’abonnés, soit à ce jour absents du réseau.

 

TikTok pourra-t-il réconcilier les jeunes avec la politique ?

Communiquer sur TikTok permet donc aux différents candidats présents d’introduire une nouvelle façon de s’adresser aux Français, sur un mode plus direct, complice, voire potache, et de montrer une nouvelle facette de leur personnalité qui ne peut pas être révélée par les médias mainstream. Le réseau social complète une présence sur les autres plateformes en introduisant plus de dérision et d’apparente spontanéité. On ne sera toutefois pas dupe, le style et le message s’avèrent généralement soigneusement préparés. TikTok permet avec des vidéos efficaces d’engranger rapidement un nombre important d’abonnés. Si on peut regretter ce style qui rabaisserait la politique à un exercice ludique et frivole, force est de constater que les vidéos les plus classiquement politiques échouent à trouver leur public. Parler politique aux jeunes passe donc aujourd’hui par de nouveaux codes de communication qui vise à construire une communauté du rire et de l’anecdote avant de former une éventuelle communauté de pensée. Face à un jeune public largement dépolitisé, ne s’informant pas sur les grands médias, cette expression peut néanmoins susciter dans un second temps la curiosité des internautes, qui trouveront alors sur le compte des candidats matière à information et à réflexion. Il s’agit là d’un pari qui mérite d’être joué, combler le fossé entre les acteurs politiques et une grande partie de la jeunesse réclamant une communication