« La décision de la Cour suprême des Etats-Unis révoquant le droit à l’avortement crée du remous en France » par Charlotte Pamart

La décision de la Cour suprême des Etats-Unis de démanteler l’arrêt Roe v. Wade, garantissant aux Américaines un droit constitutionnel d’accès à l’avortement, a créé un véritable tollé sur les réseaux sociaux. Dans le pays de l’Oncle Sam, on ne dénombre pas moins de 300 tweets publiés par seconde, au plus haut pic d’activité, à la suite de l’officialisation de la décision fédérale. Soit deux fois plus que lors de la renaissance du mouvement Black Lives Matter après le décès de George Floyd en mai 2020. Sur le web francophone, la mesure a suscité des discussions en ligne qui ont très vite dépassé le seul débat sociétal. Après le temps de l’indignation, les internautes français ont déplacé le sujet sur le volet politique, dans un contexte largement marqué par les résultats des derniers scrutins électoraux. 

L’onde de choc de la révocation de l’arrêt Roe v. Wade outre-Atlantique a très vite dépassé les frontières pour rebondir en France où la question du droit des Femmes est éminente dans le débat politique et sociétal. La volumétrie des réactions identifiées dans l’Hexagone sur Twitter le prouve. Depuis le 24 juin, 566,9K tweets, dont 465,4K retweets, ont été relevés sur le web francophone. 

La remise en question de ce droit fondamental bouleverse la sphère francophone.   

Le premier pic de mentions, à la suite de l’officialisation de la décision de la Cour suprême, est marqué par l’indignation et la colère des internautes. Ces derniers s’émeuvent particulièrement de la remise en cause du droit des femmes et de la régression des libertés fondamentales, à l’image du tweet du Président de la République, dont la publication est celle qui a généré le plus fort taux d’engagement sur Twitter sur toute la période. 

La corrélation avec la décision prise par la Cour suprême la veille de consacrer le droit au port d’armes hors du domicile a également contribué à amplifier les débats.  

Au cours de cette première salve de discussions, les réactions sont quasi-unanimes pour dénoncer la décision américaine. Les utilisateurs portent aux nues les figures emblématiques françaises ayant défendu le droit des femmes que sont Simone Veil ou Simone de Beauvoir. Cette dernière s’est même retrouvée dans le top 20 des tendances Twitter le 24 juin en fin d’après-midi, en raison des nombreuses reprises de sa célèbre citation : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ». Les publications sont très souvent accompagnées de hashtags de mobilisation porteurs, à l’instar de #RoeVsWade (35,8K mentions), #MyBodyMyChoice (21K mentions) ou encore #MonCorpsMonChoix (11,7K mentions). 

Mais rapidement, les discussions ont pris une tournure politique dans un contexte français éminemment marqué par la constitution du nouveau Parlement. 

La constitutionnalisation du droit à l’IVG cristallise le débat en ligne. 

La question de la constitutionnalisation du droit à l’IVG été soulevée dès le 25 juin par la NUPES et constitue le second temps fort des réactions consécutives à la décision de la Cour suprême américaine : 

Evolution des retombées relatives à la constitutionnalisation du droit à l’IVG sur Twitter : 127,9K retombées à ce sujet ont été relevées sur la plateforme, générant 587,2K engagements (retweets, likes et commentaires)

Mathilde Panot, Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain : tous rappellent qu’il s’agissait d’une des propositions phares de la France Insoumise dès les élections présidentielles de 2012 et qu’elle a été désapprouvée par les députés LREM en 2018. Les conversations sont également alimentées par le dit-silence de la droite et de l’extrême-droite à ce sujet.

Les « antivax » se saisissent du #MyBodyMyChoice pour faire entendre leur voix. 

Une autre communauté politisée a profité des débats autour de l’IVG pour défendre ses positions. Les détracteurs du passe vaccinal ont en effet critiqué la promotion du « mon corps, mon choix » à sens unique et déploré l’absence de discussions lors des débats sur l’obligation vaccinale. 3,4K mentions ont été relevées à ce sujet dans la semaine, preuve une nouvelle fois de la capacité de ce cluster à mobiliser des cellules de contre-discours digitales puissantes. 

Près de 50 ans après l’application de la « loi Veil », les questions relatives à l’IVG et plus largement au droit des Femmes font encore l’objet de discussions vives, portées par des communautés distinctes qui les utilisent en prétexte pour faire valoir leur position. 

Par Charlotte Pamart, Consultante senior chez Antidox