« ChatGPT, d’outil technologique révolutionnaire pour la communication à champ de bataille idéologique » par Aurore Nory

“Votre assistant conversationnel IA pour trouver des solutions et des réponses précises.”  C’est ainsi que se présente ChatGPT, le prototype d’agent conversationnel développé par OpenAI, l’entreprise co-fondée par Elon Musk et Sam Altman spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA). En effet, fondé sur l’IA, ChatGPT produit des réponses cohérentes à une grande variété de questions d’une manière proche à celle de l’être humain. Doté d’une appellation combinant “chat” en référence aux discussions instantanées en ligne et l’acronyme “GPT” pour “Generative Pre-trained Transformer” (“modèle de transduction de langage prédictif”), ChatGPT combine également intérêt et réflexions au sein du monde de l’intelligence artificielle et plus généralement au sein de l’espace public. Innovant pour certains, menaçant pour d’autres ou simplement intriguant, l’arrivée de ChatGPT dans notre quotidien interroge.

Chat instantané, succès immédiat : moins d’une semaine après son lancement en novembre dernier, ChatGPT cumule plus d’un million d’utilisateurs. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que ce sujet ait pris de l’ampleur dans les conversations en ligne.

Du 1er novembre 2022 au 7 mars 2023, “ChatGPT” a généré 9,4 millions de mentions.

Bouleversement professionnel 

Accessible à tous et gratuit dans sa version démo, ChatGPT permet aussi une prise en main intuitive à ses utilisateurs. S’il suffit de quelques secondes pour apprivoiser ChatGPT de manière basique, ce même laps de temps lui suffit pour contextualiser les demandes et apporter une réponse cohérente aux différents types de besoins. À travers un texte travaillé et agrémenté de conseils, il est capable de générer du contenu adapté aux objectifs donnés. La pluralité des utilisateurs pouvant y avoir recours dans différents domaines questionne la place de cet automate dans nos usages quotidiens. 

S’il est sollicité pour un projet professionnel, il pourra par exemple créer un plan de communication, un plan marketing, l’arborescence d’un site internet, et ce, dans plusieurs langues. Il pourra aussi donner son avis et même reconnaître ses erreurs. L’usage de ChatGPT à des fins professionnelles soulève des questions importantes concernant la place de l’humain mais également les enjeux d’influence en communication, d’où la nécessité pour les professionnels de la communication de prendre en compte cette technologie dans leurs pratiques. Avec la simplification et l’accélération de la rédaction ou de certaines tâches, certains métiers pourraient devenir obsolètes alors que d’autres se recentreront sur l’apport de plus value et le conseil stratégique. Microsoft a d’ailleurs investi à plusieurs reprises, pour l’intégrer à ses différents services comme Teams, Word ou PowerPoint.

Un danger social et politique ?

Après un accueil plutôt favorable, ChatGPT fait rapidement l’objet de controverses.  Les spéculations vont bon train quant à son avenir dans la société : faut-il autoriser les étudiants à s’en servir pour rédiger leurs écrits ? L’efficacité de ChatGPT pourrait-elle, à terme, affaiblir l’intelligence humaine ? Ce dernier peut-il changer notre manière de communiquer ou “détourner la démocratie” ? C’est ce qu’ont affirmé Nathan E. Sanders, scientifique de données et Bruce Schneier, technologue en sécurité, dans un article d’opinion pour le New York Times en janvier. Selon eux, L’IA menace nos communications quotidiennes et pourrait remplacer les humains dans les processus démocratiques en effectuant un véritable travail de lobbying rapide et à moindre coût par sa capacité à produire des messages ciblant des leaders d’opinion. ChatGPT permettrait ainsi d’influencer les processus de décision. 

Un paramètre en plus à prendre en compte dans la balance de l’influence, où les plus mal intentionnés pourraient recourir abusivement au chatbot à des fins malveillantes : création d’emails de phishing, désinformation, comme le soulignait Alec Radford, chercheur chez OpenAI, propagande, etc. Une crainte sur laquelle Elon Musk a d’ailleurs rebondi sur Twitter. 

“Tout comme les enseignants devront changer la façon dont ils donnent les examens et les devoirs aux étudiants à la lumière de ChatGPT, les gouvernements devront changer leur relation avec les lobbyistes.”

L’humain n’a pas dit son dernier mot

Si les résultats produits peuvent ravir, l’agent conversationnel ne peut pas être considéré comme la solution à tous types de demandes. Dépourvu d’émotion, les textes sont généralement impersonnels et ne revêtent pas la sensibilité humaine. Alors que des IA ont été créées pour détecter les textes écrits par ChatGPT, De plus, contrairement aux moteurs de recherche comme Google ou Bing, il ne cite pas ses sources et n’a pas non plus la capacité de répondre aux questions en lien avec l’actualité, sa connaissance du monde s’arrêtant à 2021 (date de sa dernière mise à jour). Par conséquent, l’humain reste indispensable pour valider les résultats produits, vérifier et actualiser les réponses apportées et s’assurer de la logique du raisonnement. Autre point d’attention, sa sensibilité à la formulation des requêtes. Il peut ne pas obtenir de réponse à une question, et en trouver une avec des changements mineurs dans la formulation de celle-ci. Par ailleurs, victime de son succès, ChatGTP se révèle parfois indisponible ou plus long à répondre.

La variété de ses services, et notamment sa capacité à proposer des idées n’est pas négligeable. S’il est nécessaire de prendre du recul sur les informations fournies par ChatGPT, celui-ci peut davantage être considéré comme un assistant créatif que comme un concurrent.

A travers ChatGPT, l’IA peut rendre de véritables services. Ses évolutions devraient lui permettre de résoudre dans les années à venir les dysfonctionnements dont il pâtit encore et devraient en renforcer l’usage, notamment dans le domaine professionnel. Il a été annoncé le 8 mars 2023 que ChatGPT intégrera Slack afin de fournir une “nouvelle approche de la productivité qui aide les équipes à être plus efficaces et productives” (Kal Henderson, co-fondateur de la plateforme et directeur de la technologie). Plus largement, l’enjeu sera alors de renforcer ses capacités de modération et de contrôler son usage : un défi pour les autorités de régulation du Web comme pour les citoyens. 

La course à l’IA est lancée, après le lancement de ChatGPT Plus le 1er février 2023, Elon Musk le trouverait trop “woke” et serait déjà en train de lui chercher une alternative. Source d’inspiration, incubateur d’idées, gain de temps, ChatGPT ouvre en tout cas le champ des possibles. 

Par Aurore Nory, Consultante chez Antidox