La politique de modération de X en question

L’ultimatum de cet été n’aura pas été entendu. Ce 16 octobre 2023, l’Australie a infligé une amende de 385 000 dollars à X (ex-Twitter) pour des lacunes dans sa modération des contenus liés aux agressions sexuelles sur mineurs. Cette sanction a suscité des interrogations essentielles quant à la manière dont les grandes plateformes gèrent ces défis, remettant en question la prétendue totale liberté d’expression en ligne prônée et défendue par ces plateformes.

La responsabilité des algorithmes, un débat ancien

L’avènement du web participatif a engendré des débats passionnés sur la nécessité d’ouvrir les algorithmes qui rendent Internet accessible à tous. Cette question cruciale concerne non seulement la manière dont les moteurs de recherche opèrent, mais aussi le fonctionnement des médias sociaux. Pendant longtemps, les géants du web se sont retranchés derrière leur statut d’hébergeurs, déclinant toute responsabilité éditoriale. Cependant, la perception a évolué et les attentes en matière de transparence et de responsabilité se sont renforcées. Désormais, ces plateformes sont sous pression pour divulguer davantage d’informations sur leurs algorithmes et leurs politiques de modération, au nom de l’intérêt général et du bien commun.

L’évolution des débats s’est manifestée dans une série d’événements récents, mettant en lumière les enjeux de la modération en ligne et de la responsabilité des plateformes. Les questions de désinformation, de propagation de contenus nuisibles et d’impact sur la société dans son ensemble sont devenues plus pressantes que jamais.

La transformation de Twitter

Elon Musk l’avait promis dès son acquisition de la plateforme : moins de modération pour plus de liberté d’expression sur son réseau social. En licenciant plus de 80 % de son personnel a été licencié, dont de nombreux modérateurs chargés de repérer et de supprimer les contenus problématiques, il est passé de la parole à l’acte. Si preuve supplémentaire il fallait de cette ambition, la commissaire d’ESafety, Julie Inman Grant, à l’origine de l’amende en Australie et elle-même ancienne employée de feu Twitter, a déploré des discussions qui sonnaient « creux » avec X au sujet de la modération.

Alors que les recherches démontrant la responsabilité des algorithmes sur la propagation et la visibilité des contenus toxiques se multiplient, la neutralité des réseaux sociaux est remise en cause. Les algorithmes ne recherchent pas la fiabilité d’une information mais sa viralité, et en ça, contribuent à la propagation de la désinformation et à la polarisation, sapant ainsi la qualité et l’intégrité des échanges en ligne.

Un sujet de taille quand on sait que désormais 71% des jeunes s’informent exclusivement sur les réseaux sociaux. Un taux élevé qui touche également les autres générations en période de crise (géopolitique, nationale, sanitaire, etc.).

Des actions menées en Europe et en France

Il est indéniable que cette action et victoire juridique de l’Australie a mis en lumière l’incapacité des géants du numérique, comme X et Meta, à contrôler efficacement le contenu sur leurs plateformes. Dans ce contexte, la Commission Européenne a ouvert des enquêtes sur les principaux réseaux sociaux, X, Meta et TikTok pour obtenir des informations sur les mesures qu’ils mettent en place pour lutter contre la diffusion de fausses informations et de contenus illégaux.

En France, les voix s’élèvent également pour dénoncer le manque de modération sur X. Un collectif de journalistes, mené par les spécialistes de la lutte contre la désinformation Tristan Mendès France et Julien Plain, appelle à la grève du tweet ce vendredi, une opération baptisée « No Twitter Day » pour dénoncer le manque de modération sur X. La date n’est pas choisie par hasard, ce 27 octobre marque justement les 1 ans du rachat de la plateforme par Elon Musk.

Quand on sait combien l’ancien Twitter était devenu un outil indispensable aux journalistes pour la collecte d’informations et de témoignages, cette initiative n’est en rien anecdotique. Néanmoins, enterrer X serait prématuré. Après tout, l’annonce, le soutien et le relai de cette grève à principalement trouvé un écho sur… X. Avec plus de 21 mille mentions du hashtag en 2 jours et 3 fois plus d’engagements, l’opération de communication est réussie. Mais aurait-elle eu autant d’impact sans le réseau social ? La question reste ouverte.

Par Inès Hadi