« Réseaux sociaux : quels formats pour demain ? », par Emeline Invernizzi

La course à l’innovation digitale ne s’arrête plus. Les nouvelles plateformes de réseaux sociaux se multiplient ces dernières années, pour satisfaire des utilisateurs toujours plus avides de nouveauté. TikTok, Clubhouse et BeReal, pour les plus connus, tentent de se faire une place en proposant des modes de fonctionnement inédits. Face à ces nouveaux réseaux, les acteurs « historiques » sont contraints de s’adapter.

Il y a quelques mois, nous vous parlions du phénomène Clubhouse, qui devait faire entrer les plateformes dans l’ère de la voix. Face à l’engouement des utilisations, certains réseaux ont à leur tour tenté de lancer des espaces de discussion purement audio (les Spaces sur Twitter, les Live Audio Room sur Facebook, GreenRooms sur Spotify). Résultat : entre perte d’intérêt et concurrence, Clubhouse décline. Malgré son renoncement au modèle intimiste qui permettait de rejoindre l’application uniquement via un ami, et son élargissement au travers d’Android, son nombre de téléchargements s’inscrit en chute libre depuis avril, notamment en France.

Si Clubhouse prédisait l’avènement de la voix, la vidéo n’a pour autant pas dit son dernier mot, comme en témoignent l’allongement des vidéos TikTok à 3 minutes ou encore les dernières annonces d’Instagram. Adam Mosseri a en effet clairement placé la vidéo parmi ses priorités, pour faire face à des concurrents comme TikTok et YouTube, afin qu’Instagram soit davantage un réseau d' »entertainment » : « we’re no longer a photo sharing app« .

Instagram, antichambre de développement ?

C’est face caméra qu’Adam Mosseri, patron d’Instagram, a présenté les perspectives de développement de la plateforme pour les prochains mois. Création, vidéos, shopping, message constituent quatre axes de développement stratégique avec pour objectif de créer davantage d’interactions entre les utilisateurs de la plateforme, et de favoriser les contenus des influenceurs, toujours plus nombreux et actifs.

“La première raison pour laquelle les gens utilisent Instagram, c’est pour être divertis », explique-t-il. Or, il n’y a pas de meilleure manière de créer du divertissement que de permettre la production de contenus vidéos, comme les Reels. Mis en avant dans le mode “recherche”, ils permettent, sur le même mode que TikTok, de partager de courts contenus vidéos, montés rapidement et rythmés par une bande son. Instagram souhaite maintenant optimiser ces vidéos pour les rendre disponibles en plein écran et axer ainsi toute sa stratégie de croissance sur leur développement. Une volonté qui ne va pas sans soulever de problèmes : les internautes repostant directement leurs vidéos TikTok sous forme de Reels, ils créent de fait de la visibilité pour le concurrent chinois d’Instagram, et ceci directement sur sa plateforme ! Si Adam Mosseri exprime clairement son souhait de mettre au point des alternatives pour continuer à faire d’Instagram un produit unique, sur le plan de la vidéo, la concurrence s’avère rude. D’autant que l’abandon de la photo et de l’utilisation intimiste d’Instagram clairement exprimé par son dirigeant (“nous ne sommes plus une application de partage de photos”) ne semble pas être du goût de tous les internautes.

A force de vouloir faire face à la concurrence pour gagner de nouveaux utilisateurs, les créateurs des réseaux “sociaux” peuvent en oublier leur principe de fonctionnement : créer du lien social et du partage entre les personnes, de manière dématérialisée mais toutefois bien réelle. Une manière d’expliquer certaines réactions mitigées à la suite des annonces d’Adam Mosseri ?

Ces deux exemples de réactions mettent en exergue le mécontentement latent d’une partie des utilisateurs à propos du virage pris par Instagram. A en juger par le nombre de likes (plus de 8 000 sur l’ensemble des deux tweets, alors que la vidéo de Mosseri n’en fait que 4 400), ces avis sont très largement partagés.

Sentiment exprimé à propos de “Adam Mosseri” sur 3 500 mentions entre le 30 Juin et le 6 Juillet. Source : Talkwalker

Toujours est-il que la vidéo tient la corde et semble être privilégiée par les plateformes, Instagram donc en tête, qui souhaite concurrencer TikTok, mais aussi YouTube, avec les IGTV qui offrent des vidéos plus longues. Sur ce point TikTok ne reste pas les bras croisés : outre l’allongement des vidéos, la plateforme développe une offre BtoB avec la mise en vente de son algorithme. Difficile de parier sur un gagnant dans un environnement aussi réactif et innovant, ce qui laisse augurer de belles batailles en perspective.

Par Emeline Invernizzi, Consultante chez Antidox