« « Novax » Djokovic : le coup gagnant des « raoultiens » » par Victor Ploué et Alexandre Kahn

« I’m heading Down Under with an exemption permission, let’s go 2022 ! ». Sur son compte Instagram, le 4 janvier, Novak Djokovic annonce être parvenu à obtenir une dérogation exceptionnelle pour participer à l’Open d’Australie de Melbourne. Pourtant, une dizaine de jours plus tard, au terme d’une bataille judiciaire inédite, le numéro 1 mondial a dû abandonner son rêve de remporter le tournoi pour la dixième fois : « je suis extrêmement déçu de cette décision » déplorait-il sur ce même réseau social. En l’espace de quelques semaines, le « Djokogate » est né, a déçu, indigné, étonné. Sphère tennistique et écosystème militant anti-vaccin ont donné de la voix pour s’exprimer sur la non-participation du joueur à la compétition de sa vie. Sur Twitter, les mouvements « raoultiens » ont tenu le haut du pavé.

Combat politique, enjeux sanitaires et luttes d’opinion mêlant sphère politique, tennistique et « antivax », tout concourait pour en faire l’un des sujets les plus discutés de ce début d’année. C’est sans vaccin que Novak Djokovic s’est envolé, le 4 janvier, pour Melbourne, où il ambitionnait de dépasser Nadal et Federer au classement du nombre de « Grands Chelems » réalisés. Pourtant, à son arrivée sur l’île-continent, il se voit retirer son visa en raison des craintes du gouvernement australien qu’elle n’encourage le sentiment anti-vaccin dans le pays. Par la suite, les étapes s’enchaînent : sa famille fait appel à un avocat, l’interdiction de participer au tournoi est levée, puis rétablie à la suite de doutes sur la date d’un test positif antérieur. Finalement, la Cour fédérale australienne annonce à l’unanimité l’expulsion du joueur. 

Sur les réseaux sociaux, un des sujets les plus discutés ces dernières semaines

Pas moins de 2 millions d’occurrences de « Djokovic » ont été relevées dans l’espace numérique (presse en ligne et réseaux sociaux confondus) au cours de la « saga Djoko ». Dans le périmètre francophone uniquement, 48k utilisateurs ont tweeté sur le sujet, parfois pour exprimer leur soutien au joueur, parfois pour se féliciter de la décision des autorités australiennes de ne pas accorder de traitement de faveur. Des réactions essentiellement relevées autour du 16 janvier, jour de son expulsion définitive, mais qui ont commencé à s’intensifier dès l’annonce par le Serbe de sa participation. Au total, plus de 406 400 co-évocations du numéro 1 mondial avec les termes « COVID » ou « vaccin » ont été relevées sur la période dans les périmètres linguistiques anglophone et francophone15 200 rien qu’en France,  alors que « Djoko » n’avait auparavant jamais communiqué sur son statut vaccinal.

Une forte mobilisation de leaders d’opinion anti-passe sanitaire & anti-vaccin contre le passe sanitaire

Sur Twitter, la tendance a été massive, avec 39 548 tweets et retweets publiés entre le 4 janvier et ce jeudi 20 janvier, activant les lignes de fractures politiques sous-jacentes autour de la pertinence du « passe vaccinal », la majorité présidentielle étant elle-même sommée de prendre partie, à travers la personne de Christophe Castaner qui le fit au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC.

 

 

À l’extrême droite, l’ancien cadre du Rassemblement national et fondateur du mouvement souverainiste « Les Patriotes », Florian Philippot, s’est fendu de deux tweets entre les 16 et 17 janvier pour critiquer la décision australienne, le chef de parti estimant que « Nous sommes gouvernés par le mensonge absolu, permanent, totalß» au regard des revirements quant à l’autorisation à donner ou non au tennisman de disputer l’Open sur son territoire.

Des héritiers « raoultiens » bien implantés sur les réseaux sociaux qui dominent le débat en ligne

Devenue au fil du temps un des symboles de la « dictature sanitaire » et manifestation iconique de l’absurdité « covidiste » au sein des sphères anti-vaccin et anti-passe sanitaire, l’Australie s’est une nouvelle fois retrouvée au centre des échanges des leaders d’opinion des mouvements contestataires et complotistes. Florian Philippot n’est en effet pas le seul à s’être emparé du sujet. Il en a ainsi été le cas du très controversé Idriss Aberkane, figure du mouvement « antivax », influent sur Twitter avec sa communauté de 163 224 abonnés – à titre de comparaison, avec 383 545 abonnés,  le ministre de la Santé Olivier Véran en dispose d’un peu plus du double. L’essayiste, auteur d’une vidéo publiée sur YouTube intitulée « 18 mensonges contre Didier Raoult », où le vidéaste s’attachait à laver la réputation d’un Didier Raoult que les « médias lucratifs » aurait entachée.

Dans son tweet du 16 janvier consacré à l’« affaire Djokovic », Idriss Aberkane partage la capture d’écran d’une publication issue du canal Telegram de Christine Deviers-Joncour, devenue, elle aussi, une figure du mouvement anti-passe sanitaire et complotiste. Dans son message, elle affirmait devant les 5 668 abonnés à sa chaîne que la décision du « gouvernement corrompu australien » contre le joueur relevait d’une mesure de rétorsion contre lui, après qu’il aurait « publiquement critiqué la tentative de génocide écologique de la compagnie minère Rio Tinto en République de Serbie », l’un des deux sièges sociaux de la compagnie minière se trouvant en Australie.

Le tweet d’Idriss Aberkane, qui dénonce le silence des « médias vendus du groupe Altice », s’est hissé à la troisième place des tweets les plus partagés comprenant la mention du joueur, avec 13 807 engagements (likes, partages, commentaires). Derrière la publication d’un compte structurant de l’écosystème anti-passe sanitaire, « Le réveil d’Atlas » – lereveildatlas (14,5k abonnés), qui cite les propos de Novak Djokovic, tenus par son frère Djordje lors d’une conférence de presse organisée le 6 janvier par sa famille : « Dieu voit tout. La morale, l’éthique, et les plus grands idéaux sont des étoiles qui brillent vers l’ascension spirituelle. Ma grâce est spirituelle et la leur n’est que richesse matérielle ». Le gouvernement australien se voyait ainsi averti.

Finalement, Djokovic ne gagnera pas sportivement au pays au 95% des primo-vaccinés, mais a sans doute et malgré lui, conquis le soutien d’une partie importante des écosystèmes militants opposés au vaccin et au passe sanitaire.

 

Par Victor Ploué, Consultant chez Antidox, et Alexandre Kahn, Directeur de clientèle chez Antidox