« Débat présidentiel : quand Macron et Le Pen crèvent les écrans digitaux » par Sarah Boufatis

Quatre jours avant le second tour, les prétendants à l’Elysée se sont réunis ce mercredi 20 avril lors du traditionnel débat de l’entre-deux tours, scruté par la toile. Cette joute verbale de près de trois heures a généré de nombreuses réactions des internautes qui se sont emparés du débat sur les réseaux sociaux, véritables étendards de l’opinion publique. Si en 2017 le rendez-vous tant attendu des Français avait attiré plus de 16 millions de téléspectateurs, ce match retour a lui enregistré une audience en légère baisse (15,6 millions de téléspectateurs), faisant de ce débat le moins suivi de l’histoire, l’un des plus intéressants sur le traitement médiatique accordé par la sphère digitale. 

En à peine 24 heures, le mot-clé “Macron” a suscité 834,9k mentions, enregistrant un pic important aux alentours de 21h à 169,4k mentions (courbe rose). En parallèle, le mot-clé “Le Pen” a généré 382,5k mentions sur l’ensemble de la journée, avec un pic à 85,2k mentions aux prémices du débat (courbe violette). 

Du débat télévisé au tribunal digitalisé

Si la “télévision s’écoute avec les yeux”, les réseaux sociaux ont à leur tour pris le relais, devenus la véritable agora. En effet, le hashtag #debatmacronlepen a été relayé plus de 128k fois à 22h00 sur Twitter.

Plus précisément, les prises de parole ont fait naître de nouvelles tendances sur le réseau à l’oiseau bleu, illustrant le rapport de force entre les deux candidats et le traitement qui leur est réservé. 

1. La parodie, un levier de communication digitale viral pour susciter l’adhésion 

C’est par la dérision que de nombreux internautes ont commenté le débat sur Twitter. L’internaute @MiisterVal, qui apparaît parmi les mots-clés majeurs du nuage de mots, fait figure d’exemple. En publiant un tweet sur un ton humoristique, le jeune homme a engrangé 12,6 retweets, 453 tweets cités et 80,4k likes. Une performance qui met en lumière l’efficacité et la viralité du levier parodique, véritable force de frappe sur le réseau social. 

Notons également la présence du site d’information parodique @le_gorafi qui s’est amusé à détourner les propos des candidats. Une stratégie de rétorsion dont se sont largement inspirés les internautes qui n’ont pas hésité à reprendre les expressions emblématiques d’Emmanuel Macron telles que “Finito” ou encore “ripoliner la façade”, mais aussi celles de Marine Le Pen (“C’est faux”). 

2. Les jugements de valeurs au cœur des prises de position des internautes 

Ce débat a également laissé place aux jugements de valeurs, matérialisés par les mots-clés suivants : “fier”, « odieux », “nulle”, “arrogant” ou encore “lassé”. Le recours à cette terminologie péjorative pointe du doigt le discours défensif utilisé par Macron d’une part, et la posture de retrait de Marine Le Pen, telle que perçue par les internautes, d’autre part. 

 

3. Peu d’effervescence autour des thématiques présidentielles dans la sphère digitale

Plus traditionnellement, on retrouve enfin les mots-clés relatifs aux thématiques abordées dans le cadre de ce débat présidentiel : “retraites”, “covid”, “voile”, russe”, “chômage” et “énergie”. Objets centraux de la présidentielle, ces thématiques sont pourtant largement moins ressorties sur Twitter. 

En somme, le débat politique sort une fois de plus du cadre traditionnel pour libérer la parole sur le front virtuel. Levier de communication par excellence, Twitter, et plus largement les réseaux sociaux, constitue pour les internautes un moyen d’appropriation du débat politique. 

 

Par Sarah Boufatis, Consultant chez Antidox