« Stade de France (1998 – 2022 ?) » par Paul-Marie Dabezies

La finale de la Ligue des Champions 2022 fait moins parler d’elle par sa dimension sportive que par les incidents qui ont eu lieu autour du Stade de France avant, pendant et après le match. Les journalistes, les politiques et les réseaux sociaux se sont emparés d’événements qui sont encore en cours d’éclaircissement. Samedi 28 mai, la finale opposant Madrid à Liverpool a commencé avec plus de 35 minutes de retard en raison de problèmes autour des points d’accès aux tribunes. Des images de supporters escaladant les grilles ou d’autres gazés par les forces de l’ordre émaillent les réseaux sociaux. Après le match d’autres images du chaos régnant alors continuent d’affluer. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et le préfet de Police de Paris Didier Lallement sont pris pour cible à la fois par la gauche et par la droite. Le premier s’est rendu devant le sénat le 1er juin, le deuxième devrait bientôt s’y présenter. Le débat fait rage autour des causes de ces incidents. Faux billets, mauvaise préparation, grève du RER B, « violences policières » ou « racailles », chacun met en avant sa lecture personnelle. 

Mentions du sujet du Stade de France sur Twitter entre le 28 mai et le 2 juin 2022 (Talkwalker)

Sur Twitter 82k mentions du sujet sont identifiables depuis samedi, suscitant 3.3 millions d’engagements (likes, partages ou commentaires).  Si le pic de mentions se situe logiquement au cours de la soirée du 28 mai, le rythme des publications reste encore soutenu plusieurs jours après.

Exacerbation du débat politique français

Hashtags les plus utilisés sur le sujet du Stade de France entre le 28 mai et le 2 juin 2022 (Talkwalker)

L’étude des hashtags utilisés permet de visualiser très rapidement le fait que la dimension politique constitue la tonalité centrale des messages.  Nous pouvons identifier les acteurs politiques « Macron », « Darmanin » ou « Lallement » avec des sentiments associées #MacronLaHonte, #StopMacron, #DarmaninDémission, #LallementDémission ou encore #MacronNousPrendPourDesCons. Les récupérations de gauche ou de droite apparaissent aussi clairement : #NUPES et #ViolencesPolicieres pour la gauche, #Racailles pour la droite voire #Reconquete et #Zemmour. Il est intéressant de voir aussi apparaître le hashtag #législatives2022. Les opposants s’emparent de ce sujet pour attaquer le gouvernement, essayant d’animer une campagne des législatives encore plus atone que celle de la présidentielle. 

Echo international 

Il n’en demeure pas moins que le sujet ne s’arrête pas aux frontières hexagonales. Le journaliste sportif de Sky Sport Italy aux 8.3 millions d’abonnés, Fabrizio Romano, a publié un tweet samedi à 21h18, soit au moment même où le match était censé avoir débuté, pour partager une première réaction : « Marvin, le frère de Joel Matip [joueur de Liverpool], à propos de la situation autour du Stade de France : « L’organisation autour et dans le stade est indigne d’une finale de Ligue des Champions ! L’utilisation de gaz lacrymogènes dans des zones où se trouvent des enfants et des supporters non impliqués est dangereuse ! ». Ce tweet est encore 5 jours après sa publication celui qui suscite le plus de réactions, totalisant 52.5k likes, 6.8k retweets et 583 commentaires. Il constitue l’un des premiers à faire état de la situation et l’influence de son auteur à participer à son écho. Sur l’ensemble des tweets, 30% ne sont pas écrits en français. Les journalistes sportifs étrangers ne se sont pas privés de commenter la situation aux abords du stade.

Au-delà des débats politiques franco-français, la dimension internationale de la finale de la Ligue des Champions apporte une résonance particulière et touche à l’image de la France, à l’approche de l’organisation de la Coupe du Monde de rugby de 2023 et surtout des Jeux Olympiques de 2024. En témoigne notamment la présence récurrente du hashtag #Paris2024.

Bientôt 25 ans après sa construction pour la Coupe du Monde de Football de 1998, le Stade de France est devenu l’inverse du symbole qu’il représentait alors après la victoire des Bleus : unité des Français et rayonnement du pays à l’étranger. 

Par Paul-Marie Dabezies, Consultant senior chez Antidox