« #LearnOnTikTok : le futur de l’éducation digitale ? », par Joanne Rouhier

Lancé aux Etats-Unis en 2016, TikTok s’est rapidement installé comme le réseau social incontournable chez les 13-24 ans. En France, pas de moins de 57% des 16-18 ans utilisent la plateforme  ! Plébiscité par les jeunes générations mais parfois décrié pour la modération de ses contenus et sa gestion des données personnelles, TikTok rassemble aussi bien qu’il divise. 

Depuis l’été dernier, l’application s’est lancée dans une nouvelle opération de création de contenus : #LearnOnTikTok. Avec sa dernière annonce du financement de la série VIRAL, du compte NowThis, TikTok s’inscrit dans une nouvelle approche pédagogique, prêt à séduire un tout nouveau public. Au-delà du divertissement, l’application s’immisce dorénavant dans la sphère éducative de la jeunesse, grâce à des contenus à la fois pédagogiques et récréatifs. L’occasion de redorer son blason ?

Les contenus pédagogiques, nouveau fer de lance de TikTok

Particulièrement populaire auprès de la génération Z, l’application prospérait dans ses contenus viraux laissant court à la créativité de ses utilisateurs et faisant émerger de nouvelles tendances musicales, humoristiques ou chorégraphiques. Véritable entreprise dite « covid-proof », ses téléchargements explosent lors du premier confinement.

TikTok s’attaque désormais aux contenus pédagogiques. Lancé en juin 2020, et face aux conséquences de la crise sanitaire, le projet #LearnOnTikTok de la plateforme aux 800 millions utilisateurs affiche notamment pour objectif de permettre aux jeunes de continuer à s’instruire, dans un contexte de fermeture des écoles. Application controversée pour la futilité supposée de ses contenus à destination des plus jeunes, l’application tend aujourd’hui à devenir un réseau social capable de combiner divertissement et apprentissage.

Preuve de son succès, le programme #LearnOnTikTok compte aujourd’hui 40 milliards de vues, mais n’est encore qu’à ses débuts. Afin de promouvoir son hashtag, l’entreprise a lancé en novembre dernier un onglet spécifique « Learn » qui regroupe toutes les vidéos à visée pédagogique à diffuser auprès de sa communauté. On y retrouve des vidéos de bricolage, des conseils à la pratique du yoga ou réaliser des compositions florales, mais également des informations sur les espèces marines menacées et des astuces pour réaliser une formule mathématique en un temps record. 

Le 15 avril dernier, TikTok a lancé un format inédit nommé « VIRAL », en partenariat avec le média américain NowThis, qui allie interview d’experts en santé publique et session de questions/réponses avec les utilisateurs. Une émission interactive et dynamique à l’image du réseau social qui n’a pas manqué de séduire la communauté TikTok, puisque NowThis est désormais le nouveau média le plus suivi sur l’application avec 4,6 millions d’abonnés. A travers la création de contenus utiles, pédagogiques et même d’intérêt public, TikTok prend un nouveau virage, ce qui est loin d’échapper à l’œil vigilant des politiques.

Les politiques, tombés sous le charme ?

Entre la lutte contre la Covid-19 et l’approche des élections présidentielles, les nouveaux réseaux sociaux sont en effet pris d’assaut par les politiques pour se faire entendre et interagir avec la jeune génération, à l’instar de Gabriel Attal avec son émission #SansFiltre sur YouTube et Twitch, ou d’Emmanuel Macron avec son défi à McFly et Carlito. Afin d’établir le lien et de se faire entendre par la jeunesse, les réseaux sociaux sont devenus un aspect central de la communication pour les politiques.

Et TikTok ne fait pas exception à la règle. Interpellé par les institutions pour lutter contre les fake news liées à la pandémie en circulation sur la plateforme, TikTok a lancé un onglet « COVID-19 » qui regroupe un ensemble de vidéos « officielles » permettant d’apporter des informations vulgarisées sur le fonctionnement de transmission du virus, l’importance des gestes barrières ou encore la vaccination.

Soutenir les créateurs de contenus, un impératif pour les plateformes

Mais cette stratégie de TikTok affiche un second objectif : soutenir les créateurs de contenus en leur assurant une rémunération, et par là, se positionner en plateforme soucieuse de leur situation économique. Car l’application a bien compris que les créateurs étaient le carburant même de son business model.

Rien d’étonnant donc à ce que TikTok annonce en juillet 2020 le lancement du TikTok Creator Fund pour soutenir et encourager les créateurs de contenus « qui rêvent d’utiliser leur voix et leur créativité pour susciter des carrières inspirantes ». Un fonds de 50 millions de dollars qui fait partie des 250 millions que l’entreprise s’est engagée à fournir dans la lutte contre la COVID-19. A travers ce soutien indéfectible, TikTok sécurise le travail de ces créateurs sans qui la plateforme ne serait rien et renforce cette image d’entreprise engagée.

Fragilisés par la pandémie, les créateurs de contenus ont besoin de générer de la visibilité dans le but de présenter un potentiel publicitaire intéressant pour les entreprises et engendrer par la suite une rémunération. Bien que les plateformes de crowdfunding et autres solutions comme Patreon ou Tipee permettent de soutenir ces créateurs, les plateformes sociales ont aussi un rôle à jouer. C’est le choix de TikTok, mais aussi d’autres acteurs comme Clubhouse qui a annoncé récemment un partenariat avec Stripe. L’objectif : développer une fonctionnalité permettant aux utilisateurs de Clubhouse de rémunérer les créateurs de contenus directement sur le réseau social. De quoi leur redonner le sourire en ces temps où l’art et la culture sont mis à mal.

Bref, il semble bien que malgré les interrogations sur sa politique de protection des données et son influence sur la jeunesse, la plateforme pourrait bien devenir un outil clé de l’éducation et bousculer les codes de l’enseignement en offrant aux jeunes générations des contenus en cohérence avec leurs nouveaux modes de consommation.

Par Joanne Rouhier, consultante junior chez Antidox