« Sur Twitter, Zemmour et Mélenchon rejouent le lièvre et la tortue » par Oumaïma Asri

Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour ont marqué cette campagne par la forte mobilisation de leurs militants respectifs, leur maîtrise de la rhétorique et leurs stratégies de gestion des réseaux sociaux.

Malgré ces similitudes, leurs trajectoires respectives ont connu des destins différents au fil des mois et des crises. Après ses premières prises de parole en tant qu’éventuel candidat qui ont créé un fort engouement sur les réseaux sociaux, Éric Zemmour observe une baisse d’engagements sur Twitter à compter du mois de mars, tandis que Jean-Luc Mélenchon enregistre une percée à quelques jours du premier tour. Retour sur les trois temps forts justifiant cet inversement des tendances à quelques jours du scrutin.

Septembre : un bras de fer idéologique diffusé en direct
L’un des premiers marqueurs de cette course effrénée a lieu le 23 septembre 2021. Durant plus de deux heures, le candidat insoumis affronte l’ex-éditorialiste de CNews, enregistrant un record d’audience de 3,81 millions de téléspectateurs sur BFMTV et 4 millions d’engagements sur Twitter. L’ambiguïté fin septembre autour du statut d’Éric Zemmour et son éventuelle candidature à l’élection présidentielle a manifestement boosté l’audience.
Ce duel aux allures de débat d’entre deux tours est un avant-goût pour les téléspectateurs dont les spéculations inondent les réseaux sociaux, avec le recours à des hashtags tels #Présidentielles2022 ou #VictoireMélenchon.

Novembre : un coup d’accélérateur dans la campagne
Le 30 novembre 2021, la candidature officielle du polémiste engendre 1,6 million d’engagements sur Twitter pour cette seule journée. Elle s’ajoute à sa vidéo officielle diffusée sur YouTube, confirmant sa candidature. En s’adressant directement aux Français et en contournant les médias traditionnels, il adopte une stratégie similaire à celle de son homologue de la France Insoumise.
En communiquant massivement sur internet, sphère dispensée du décompte du temps de parole de l’Arcom, les deux candidats ont su galvaniser leur jeune électorat, ils cumulent à eux deux 17,2 millions de vues sur YouTube.

Avril : un revirement des trajectoires
Surnommé « la tortue » depuis sa référence à la fable de La Fontaine lors d’un meeting en janvier à Nantes, le fondateur de La France Insoumise (LFI) a observé une croissance régulière de ses mentions et engagements depuis l’annonce de sa candidature, avant d’être propulsé en tendances Twitter à quelques jours du scrutin.
Son intervention du 6 avril au 20h de France 2 marque le point de bascule. On observe ainsi un croisement des courbes représentant les mentions des deux protagonistes, ce qui confère une nette avance au candidat LFI.

Figure 1 : Evolution des mentions de Mélenchon et Zemmour du 4 au 13 avril

Figure 2 : Evolution des mentions de militants LFI et Reconquête !

Cette ascension du candidat insuffle un espoir parmi ses soutiens, massivement mobilisés à partir du 9 avril. L’appel au vote “utile” va quant à lui confirmer sa percée, dans l’objectif d’éliminer l’extrême droite dès le premier tour. À l’instar de Christiane Taubira, des personnalités politiques et publiques ont incité à voter pour le seul rival capable de réunir une gauche fragmentée.

La concentration des votes d’adhésion et de barrage lui permet alors de se hisser à la troisième position de la course électorale. Cette « #Melenchada » (88K engagements), contraction de « Mélenchon » et « remontada » se retrouve en Tendances Twitter le soir de l’élection.
Au même moment, le candidat de Reconquête !, à la peine dans les sondages, stagne. Parmi ses 7,6 millions d’engagements observés sur la semaine du 4 au 10 avril, 2,2 millions sont issus des militants de son parti. Un phénomène sanctionné par Twitter, qui a interdit les méthodes de campagne artificielle employées par les pros Zemmour.

Une baisse de rythme qui sera confirmée lors du premier tour et de la révélation de son score de 7%, suivant la tendance inverse de Jean Luc Mélenchon et ses 22%. Si leurs campagnes ont enregistré des évolutions contraires, elles sont toutes deux marquées par leur omniprésence sur les réseaux sociaux dont Twitter.

Par Oumaïma Asri, Consultante Junior chez Antidox.