Stade de France : du simple terrain à l’agora contemporaine

« Il ne faut pas politiser le sport » déclarait le président de la République en novembre dernier, alors que l’annonce de sa possible visite au Qatar pour la coupe du monde de football suscitait de vives réactions. Le 8 septembre, tout prêtait à croire que la cérémonie de lancement de la coupe du monde de rugby illustrerait le rayonnement culturel et sportif du pays à l’international. Mais c’était sans compter l’arrivée du chef d’Etat, sifflé et hué lors de son discours. Une séquence saluée par l’opposition et suscitant 13.4k mentions pour 731k engagements dans l’espace digital.

En France : un événement clivant ravivant les frustrations

Dans le périmètre linguistique francophone sur Twitter, une grande partie des utilisateurs a suivi cet événement en temps réel et les réactions se sont aussitôt multipliées. L’univers sémantique lié au mondial de rugby intégrait quant à lui de nombreux hashtags dédiés à cet incident.

Au sein de l’opposition, les réactions parvenaient notamment des Insoumis tels que Manuel Bompard, qui a manifesté son enthousiasme via la déclaration suivante : “Le roi Macron hué par le peuple français ! Nous ne le laisserons jamais tranquille !” Le député LFI, Bastien Lachaud ajoutait quant à lui : “ »Le peuple n’oublie pas les insultes et la réforme des retraites. Il a eu l’accueil qu’il mérite. »

À l’inverse, le député Renaissance Robin Reda exprimait son mécontentement face à la situation “siffler le Président c’est insulter son propre pays, aux yeux du monde” tandis que le député Mathieu Lefèvre ajoutait : ”Siffler le président de la République, c’est siffler la France.”

À l’international : l’annonce d’une “humiliation” à grande échelle

Volumétrie globale des mentions relatives au discours hué du président de la république, dans le périmètre linguistique francophone et à l’international (Juin à septembre 2023)

Si la cérémonie n’a pas échappé au regard des amateurs de rugby qui se sont donnés rendez-vous pour suivre le match des Bleus contre les All Blacks, cette “humiliation” a dépassé la communauté de sportifs pour générer des retombées notamment au sein de médias grand public aux quatre coins du monde.

De simples relais médiatiques, qui se sont retrouvés mêlés à l’instrumentalisation de cette situation par des militants politiques à l’international. Parmi ces réactions à chaud, l’entrepreneur se qualifiant comme pro-Brexit, Jim Ferguson, a publié un tweet dans lequel il déclare “Macron est hué par tout un stade. Sa popularité est au plus bas alors que les gens se rendent compte qu’il sert son président allemand Klaus Schwab du Forum économique mondial et non le peuple français.”

Destinée à promouvoir l’image du pays à l’international, cette cérémonie d’ouverture a accentué les crispations après des mois marqués par les manifestations dans les rues. Dernière polémique en date, la supposée censure des images de l’incident, face à laquelle les utilisateurs de Twitter fustigent un manque de transparence. À titre d’exemple, le reporter Tanguy Lacroix a publié un tweet dans lequel il annonce : “BFMTV a supprimé sa vidéo de Macron sifflé lors de son dernier discours. Pareil sur TF1 : vidéo introuvable.” avant de conclure “Le ministère de la Vérité ne veut pas que vous voyez.”

L’enchaînement des événements sportifs marqués par le mécontentement des supporters porte à croire que le Stade de France s’apparente désormais à une réelle agora, dans laquelle les frustrations et protestations trouvent le moyen de s’exprimer. À ballon rond ou ovale, ces sports populaires ne peuvent visiblement plus se défaire du poids politique qui leur est attribué.

Par Oumaïma Asri