L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale – à la surprise générale – par le président de la République le 9 juin dernier a de nouveau fait de X un lieu de débat enflammé autour des premières propositions avancées.
Entre le jour de l’annonce et ce mardi 18 juin, 457 600 occurrences des hashtags #LégislativesAnticipées, #Législatives #Législatives2024 ou encore #Dissolution ont été publiées, générant plus de 14,7 millions d’engagements (likes, partages, commentaires), soit une moyenne de 40 000 publications par jour. Par comparaison sur une période de 9 jours, 71 890 publications relatives aux élections européennes avaient été publiées sur X, trois semaines avant le premier tour.
Prises de position de sportifs ou de créateurs de contenus, spéculations sur les résultats à venir, incertitude, colère… les réseaux sociaux ont été la caisse de résonance des passions politiques qui ont agité les Français.
Comprendre les idées populaires qui circulent en ligne
Dans ce contexte inédit, Antidox a souhaité étudier les conversations sur X, depuis la date de dissolution de l’Assemblée, pour identifier et comprendre les différentes idées ou propositions mises en avant. Le champ d’étude relève d’un parti pris : l’analyse de la perception ou de prises de position marquantes sur des enjeux socio-politiques clés – qu’ils soient affirmés comme tels par les Français dans les différents sondages d’opinion, ou qu’ils figurent dans le programme des différents partis en lice ou de ce que l’on peut en connaître. Énergie, mobilité, éducation, santé, retraites, agriculture, ces 6 thèmes socio-économiques ont été retenus pour comprendre les principaux arguments actuellement diffusés en ligne et les réactions associées.
L’énergie, un thème central malheureusement limité à la question du prix
Les discussions autour de l’énergie sont centrales. Plus de 100 000 publications ont été relevées depuis le dimanche 9 juin, générant près d’1,2 millions d’engagement. Derrière ces conversations massives, on retrouve les sujets du mix-énergétique et du marché européen, et bien sûr la question du prix de l’énergie, en écho à la préoccupation des Français et au pouvoir d’achat, thème central de la campagne actuelle.
Constatant l’importance du poids des factures énergétiques des Français dans leur intention de vote, les grands partis en lice se sont tous engagés à obtenir des baisses effectives des prix de l’énergie. À gauche comme à droite, les plus grandes promesses entraînent soit un assentiment fort, soit des critiques relatives à la faisabilité. Les communications officielles et les relais médiatiques ont donc été très importantes sur ce sujet, d’autant plus lorsque le parti présidentiel s’est, lui aussi, engagé à baisser les factures énergétiques, en 2025.
Du côté de la politique énergétique, deux camps se dessinent clairement. À droite, plusieurs représentants du Rassemblement national ont clairement affiché leur hostilité aux énergies renouvelables, en tête desquelles les éoliennes, jugées coûteuses, inefficaces ou dégradantes pour le territoire. À gauche, on souhaite au contraire miser l’essentiel sur ces énergies, et si rien n’est dit sur le nucléaire, l’investiture sous l’étiquette du Nouveau Front Populaire de certains candidats connus pour leur positionnement anti-nucléaire, à l’instar de Dominique Voynet, a suscité beaucoup de réactions hostiles sur X. Plus à la marge, on constate un certain nombre de discussions ou de liens qui sont faits avec l’Union européenne et le marché commun de l’électricité. La transition énergétique et les objectifs de décarbonation restent loin du cœur des débats.
⚡️ Nous baisserons les factures d’électricité de 15 % dès février prochain.
Pour chaque Français, ce sera 200 € de moins sur la facture d’électricité. pic.twitter.com/8YNvdiCLho
— Agnès Pannier-Runacher 🇫🇷🇪🇺 (@AgnesRunacher) June 16, 2024
Dès les premières semaines, comme Premier ministre, je baisserai la TVA sur les énergies – carburants, fioul, électricité, gaz -.
Et je négocierai une dérogation auprès de la Commission européenne pour sortir des règles de fixation des prix et baisser les factures d’énergie. pic.twitter.com/OZwWw1iEWk
— Jordan Bardella (@J_Bardella) June 14, 2024
La question des retraites, un enjeu toujours polarisant
Aux côtés de l’énergie, la question des retraites s’impose comme un enjeu majeur de ces élections législatives anticipées, avec plus de 59 000 publications uniques recensées. Ce sujet passionne les utilisateurs de X, générant plus de 1,5 million d’interactions. Une illustration de l’importance persistante de ce débat dans l’actualité.
Les propositions et critiques se multiplient, reflétant la diversité des positions sur ce sujet, mais c’est un thème particulièrement investi par le Nouveau Front populaire (NFP). Le Rassemblement national (RN) est confronté à des accusations de revirement sur ses positions initiales, suscitant des critiques quant à sa crédibilité et à sa cohérence. Pour sa part, le NFP se positionne clairement sur l’abrogation de la réforme des retraites, arguant de la nécessité de restaurer une plus grande équité pour les retraités. Cette proposition est vigoureusement défendue par ses porte-parole, qui cherchent à se distinguer politiquement du RN. De leur côté, Gabriel Attal et Renaissance défendent la réforme sur X.
Le compte néomédia Cerfia, avec près d’un million d’abonnés, qui s’est comme d’autres installé durablement sur X depuis la période Covid, a publié un post critiquant le “rétropédalage” de Jordan Bardella. Cette publication a suscité l’engagement le plus important, avec 55 000 interactions et 5,7 millions de vues. La question des retraites continue ainsi de structurer le paysage politique et social, refaisant surface avec force pendant ces élections législatives anticipées de 2024.
🚨🇫🇷 FLASH | Jordan Bardella « rétropédale ». Il a indiqué qu’en cas de victoire aux législatives et d’accession au pouvoir, son camp n’était pas sûr d’abroger la réforme des retraites, alors qu’il affirmait pourtant le contraire lundi. pic.twitter.com/kDfS7R1gLh
— Cerfia (@CerfiaFR) June 11, 2024
Jordan Bardella veut maintenir la réforme des retraites des macronistes, contre l’avis de sept Français sur dix.
Jordan Bardella est un Emmanuel Macron de rechange pour les grands patrons, plus brutal encore.
Le 30 juin sera un vote pour sauver nos droits sociaux !✊ https://t.co/CAaAuQ9CE4
— Manon Aubry (@ManonAubryFr) June 11, 2024
La santé : des mesures jugées inappropriées face au constat d’une situation critique
Le sujet de la santé est également largement commenté avec plus de 50 000 publications qui ont suscité plus de 1,1 million d’engagements. Les internautes expriment des préoccupations fortes sur cette question, évoquant le manque de personnel soignant, la situation des hôpitaux publics, le besoin de reconnaissance et de valorisation des soignants, ainsi que les défis persistants des déserts médicaux. Les sujets relatifs aux Ehpad, au plan “Bien vieillir” et au projet de loi sur la fin de vie, mis en arrêt depuis l’annonce de la dissolution, émergent moins.
La proposition du RN visant à supprimer l’Aide Médicale d’État a suscité une vive inquiétude parmi les utilisateurs de X, alimentant des critiques sévères à l’encontre du programme du RN en matière de santé. Une publication de l’ONG “Médecins du monde”, alertant sur les conséquences potentielles de ce parti politique pour le système de santé, a d’ailleurs généré plus de 13 000 engagements. En parallèle, l’annonce par la majorité présidentielle d’une mutuelle santé publique à 1 euro par jour semble avoir un écho plus modéré dans les discussions publiques. Lorsqu’elle est mentionnée, elle entraîne souvent des réactions critiques et des interrogations quant à sa faisabilité et à son intérêt réel.
Le #RN est dangereux pour la #santé.
Le RN au pouvoir menacerait :
❌ notre système de santé
❌ nos services publics
❌ le droit fondamental à être soigné@MdM_France appelle à une mobilisation massive contre l’#extrêmedroite.Manifestez avec nous samedi ! pic.twitter.com/qr0jo8axW9
— Médecins du Monde (@MdM_France) June 13, 2024
30 balles par mois donc. C’est plus ou moins le même prix que la plupart des mutuelles obligatoires d’entreprise mais vu qu’il a jamais bossé de sa vie il peut pas savoir, c’est pas sa faute. https://t.co/ZIHM8V8Mc4
— luckiflupke (@luckiflupke) June 17, 2024
Par Hamama Naili, Alexandre Kahn et Matthieu Levray.